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Un Commentaire

11 novembre, Un village français: la question de l’hommage

11 novembre, Un village français: la question de l’hommage
Claire Tirilly

Aujourd’hui, c’est le 11 novembre. Pour beaucoup, c’est surtout le second weekend de trois jours de novembre, une occasion de traîner au lit, ou d’aller aux châtaignes. La dernière saison d’Un village français, diffusée récemment sur France 3, nous rappelle que dans un temps pas si lointain que ça, cette date avait un sens particulier.

 

La saison 5 d’Un village français prend place à l’automne 1943. Cela fait deux ans et demi que la France est occupée par les Allemands. Alors que la Résistance prend doucement du pouvoir, et que l’espoir d’une libération et d’une victoire sur l’ennemi commence à germer dans les esprits, arrive le 11 novembre, jour de souvenir de l’Armistice de la Grande Guerre, et des morts qu’elle a fait. Jour aussi de célébration de la victoire sur l’Allemagne.

L’une des intrigues principales de cette saison est le renforcement de la Résistance avec la création du Maquis. Antoine, réfractaire au STO, se retrouve face au choix de Marie Germain ou Marcel Larcher avant lui: entrer dans la clandestinité et agir, ou s’enfuir en Suisse. Mué d’une volonté de se battre qui semble presque le dépasser, il choisit d’entrer en Résistance et entraine avec lui ses compagnons d’infortune, réfractaires aussi. Il devient alors l’un des meneurs d’une des futures forces de la libération: l’armée secrète de la Résistance.

maquis

De l’autre côté de l’échiquier, on sent que le vent tourne. Müller, le gros méchant nazi de la série, perçoit déjà la fin de la guerre, et avec elle sa propre fin. Les personnages les plus collabos commencent à se tourner vers la Résistance.

Le 11 novembre, c’est déjà un événement en soit, mais la série en fait le point d’orgue de la saison, l’objectif. Marquer le coup, c’est faire comprendre à la population que malgré tout l’espoir reste bien vivant, que la libération est en marche. “On a envie de montrer qu’on est des réfractaires, ayant choisi la France libre. (…) Libres de défiler le 11 novembre, pour fêter la victoire d’hier, et la victoire de demain. Libres de montrer qu’on est des hommes, des soldats, des français.” dit Antoine quand il expose son idée de défilé militaire dans les rues de Villeneuve.

Comme souvent dans Un village français, c’est autant l’idée que sa mise en place qui sont abordées. Fêter le 11 novembre est interdit par les Allemands. Il faut donc les éloigner. Chacune des pièces du puzzle sont questionnées, envisagées, jusqu’à trouver une solution.

Au final, les scénaristes décident de réunir dans cette entreprise tout un groupe de personnes que l’on a rarement vu agir ensemble et qui sont pourtant en partie le futur du mouvement de résistance. Exit Marie Germain, Raymond Shwartz, Marcel Larcher, le pouvoir est (déjà) entre les mains d’Antoine, le chef maquisard, Anselme, Vernet, l’ancien policier. Toute la tension repose aussi principalement sur la capacité de Lucienne, l’institutrice timide, à effectuer son premier acte réel de Résistance.

L’Alsace et la Lorraine”, l’épisode qui voit se dérouler le 11 novembre, montre comment la  Résistance se renforce, réunissant la plupart des personnages français dans un acte d’affirmation de la lutte, entraînant derrière eux le soutien de la population, voire même celui du commissariat, dont les policiers ne se débattent pas vraiment pour se défaire de leurs liens, au contraire. C’est aussi l’un des rares moments de bonheur. Le temps de quelques instants tous oublient l’occupation, au point que quelques uns en viennent à croire que c’est effectivement la Libération.

C’est aussi un épisode qui voit se renforcer les dynamiques installées depuis le début de la saison. La relation ambiguë de peur et de respect qui s’est installée entre Gustave et Müller notamment. Mais aussi la fragilité de l’entreprise des maquisards, qui se veulent armée mais qui se laissent enivrer par la joie du moment, mettant tout le monde en danger.

Enfin, toute la saison s’est acharnée à rendre de plus en plus humain Müller et elle achève son entreprise ici, lorsqu’il choisit d’aller assister à “un moment d’histoire”, selon ses propres mots, sans chercher à l’en empêcher. La roue a tourné, la libération approche.

Il reste que malgré tout, ce défilé aura des conséquences fortes sur le reste de la série, les personnages, et probablement de l’Histoire. Certes la réputation de l’armée de secrète est établie auprès de la population, mais les actions de Lucienne, de Marguerite, et de tous remettent les choses en jeu. Le Maquis doit déménager en urgence, Lucienne et Bériot doivent entrer dans la clandestinité, et nous sommes débarrassés d’un des plus odieux personnages de la série, Chassagne, sans qu’on ’arrive à savoir si c’est vraiment une bonne chose.

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Le défile mis en place par le maquis de Antoine s’inspire d’un événement méconnu de la seconde guerre mondiale, le véritable défilé du 11 novembre 1943 qui eut lieu à Oyonnax par le maquis de l’Ain. Le but est le même que celui montré dans la série: organiser la reconstitution d’un défilé militaire, en rang, en armes et aux pas militaires afin de montrer que l’Ain n’est pas terre allemande. La puissance de l’histoire reconstituée dans la série se trouve renforcée par son existence historique. Le Président de la République rendra hommage à ces résistantes en ce 11 novembre 2013, à Oyonnax même.

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Avec cet événement, les scénaristes réussissent aussi une belle chose: nous rappeler l’importance de ce jour, nous imposer un moment de mémoire, de souvenir, au point qu’on en vienne même à regretter qu’il n’aie pas été diffusé plus près de la date réelle.

A l’instar de certains scénaristes américains, Frederic Krivine et son équipe arrive à replacer un moment historique dans la fiction en nous en rappelant directement son impact réel. Mais surtout, ils en font le pivot de leur histoire avec talent.

La fiction française, c’est bien.

Crédits: France 3

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