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French Quarter

janvier 21st, 2013

Jean-Luc Azoulay, la machine à « fictionner »: pourquoi ça marche…encore?

helène nicolas

Déjà plus de 20 ans que les séries estampillées AB Productions, et maintenant JLA Productions, ont débarqué sur les écrans de TF1.
20 et quelques années de fidélité d’un public qui a grandi avec elles mais qui a aussi affiné son goût pour les séries, découvrant de plus en plus de séries étrangères de grande qualité.
Pourtant, en 2012, les séries produites, créées et écrites par Jean-Luc Azoulay, malgré une critique implacable, sont toujours présentes.
A l’heure où un remake de Hélène et les garçons, le plus gros succès de la franchise, est en cours, on va s’intéresser aux raisons de ce succès presque permanent depuis 20 ans, son origine et ses causes et ainsi tenter de répondre à cette question un brin provocatrice: pourquoi cet archétype de la série des années 90 continue de fonctionner aujourd’hui?
Il est important de préciser avant de commencer qu’il est de bon ton de taper sur ces séries, ces comédiens, ces histoires; de reconnaître que les sitcoms AB ont donné un sérieux coup de frein à la création de sitcoms françaises. Mais force est de constater qu’elles sont toujours là aujourd’hui.
Je ne tomberai dans le piège du « je vais me faire les séries AB » mais plutôt essayer de comprendre pourquoi elles marchent toujours. Et puis ce serait surtout hypocrite, moi même ayant été un enfant des années « AB », j’ai regardé comme beaucoup ces séries à l’heure de mon retour du collège…et ma série préférée est aujourd’hui Twin Peaks…Comme quoi rien n’est incompatible!

On ne va pas revenir et retracer tout le parcours de Jean-Luc Azoulay mais plutôt revenir aux débuts des sitcoms AB.
En 1987, Dorothée débarque sur TF1 pour devenir animatrice du mythique Club Dorothée et responsable de l’unité jeunesse de la Une, nouvellement privatisée. Déjà chanteuse depuis quelques années, l’animatrice est accompagnée sur scène par une bande de musiciens, Les Musclés. C’est par eux que les sitcoms AB vont faire leurs débuts puisque Azoulay et Berda (AB) décident de leur confier une sitcom. Si le genre est très connu aux Etats-Unis depuis les débuts de la télévision (I love Lucy date de 1952), il ne l’est que très peu chez nous. Il y a eu bien entendu le carton de Maguy sur Antenne 2, et dès 1988, TF1 produit déjà Vivement Lundi. Mais c’est véritablement avec les sitcoms AB que le genre va prendre perdre tout son sens. Et à partir de la série Salut les musclés, Azoulay va créer tout un univers de séries entre-croisées les unes avec les autres. Ainsi c’est dans Salut les musclés que va apparaître le personnage de Justine, futur personnage de la série Premiers Baisers, jeune collégienne dont la soeur va rentrer à la fac, une soeur qui s’appelle…Hélène. Avec toutes ces séries à tiroir, Azoulay peut au moins se vanter d’avoir créer les spin off à la française. Mais c’est aussi à partir de cette époque que la terminologie va devenir floue et que le terme de « sitcom » et de « soap » vont se confondre. Car à de rares exceptions et si on excepte les rires enregistrés, les séries AB n’ont que très peu de rapport avec le genre sitcom.
Hélène et les garçons est plus un soap pour les jeunes et Premiers Baisers une sorte de teen drama avant l’heure en format vidéo.
Mais, de même que l’image des séries américaines a souffert durant les années 80 de l’image « négative » véhiculée par le torrent de séries qui arrivent à la télévision française (et pas obligatoirement les meilleures), le genre « sitcom » aura du mal à se relever des 8 années de présence de ces séries sur nos écrans…
Ce qui a permis à ces séries de s’installer, c’est bien entendu l’énorme présence médiatique des émissions de Dorothée qui diffusent en boucle ces programmes. Comme il l’avait fait avec Dorothée aux débuts des années 80, JLA va faire chanter quasiment tous les chanteurs de son écurie, renforçant ainsi leur présence dans toutes ces émissions, qui diffusent leurs clips et matraquent une promotion plus ou moins fine.
Personne ne peut ainsi échapper à l’univers d’AB Productions. Mais on ne peut pas réduire leur succès à la surmédiatisation de ces programmes. Ce serait bien trop simple et ça ne suffirait pas à expliquer le phénomène de société que deviendra une série comme Hélène et les garçons qui réunissait au plus fort de sa carrière jusqu’à 6 millions de téléspectateurs. On peut reconnaître un talent à Azoulay: il sait comment faire du « tube » que ce soit en matière de musique comme en matière de séries. Il sait aussi comment créer un lien particulier entre le public et ses programmes grâce à ses animateurs comme ses comédiens qui forment tous une sorte de famille. Personne n’est dupe et on se doute bien que la vie n’était pas rose dans les coulisses de « Bonheur City » mais incontestablement, le public y a trouvé son compte. Et puis les programmes de Azoulay correspondent à une certaine époque de la télévision, à une certaine idée que l’on s’en faisait et dont certains ont la nostalgie. Mais cette télévision a disparu et quand il tente de reproduire les mêmes recettes sur sa chaîne IDF1, bien entendu cela ne fonctionne pas aussi bien.

En 1997, le Club Dorothée s’arrête sur TF1 après 10 années de succès quasi continu. Les raisons sont vagues mais seraient en parti dues au lancement de AB Sat, concurrent direct de TPS auquel participe TF1. Sans le puissant soutient de ces émissions, toutes les séries s’arrêtent, ou presque. C’est le temps de la fameuse « quête de sens » de TF1 (une expression qui fait sourire encore aujourd’hui). Azoulay a tenté de faire perdurer ses séries en lançant un nouveau spin off de Premiers Baisers et Les années fac: Les années bleues. Puisque Berda n’avait pas hésité à dire que les Américains avaient copié sur Héléne et les garçons pour faire Friends, AB va copier les amis de New York pour Les années bleues. Est-ce bien utilise de préciser que le succès ne suivra pas et que la série s’arrêta assez vite? De même, il tenta d’exporter sur France 2 une série qui échoua sur TF1: L’école des passions devenue pour l’occasion Studio des artistes. Nouvel échec. Enfin, dernière tentative sur France 2 avec un « nouveau Hélène et les garçons« : Le groupe (avec Barbara Cabrita ou Jeremy Michalak) et ses 68 épisodes. Globalement un nouvel échec également. Difficile de perdurer d’autant qu’à la même époque, TF1 tente aussi de lancer sa propre sitcom qui marche plutôt pas mal: Jamais deux…sans toit . Au final, seule une série va survivre et cette série c’est Les vacances de l’amour, second spin off de Hélène et les garçons.
En plein succès de la série, Azoulay songe un temps à adapter sa série…au cinéma et d’envoyer ses comédiens pour l’occasion sous le soleil des Antilles. Le projet ne se fera pas mais l’idée reste dans les cartons…Une idée qui va se concrétiser dès 1996, d’abord comme mini série, puis comme série à part entière par la suite. Avec 160 épisodes entre 1996 et 2004, la série connaîtra un joli succès, qui ne se dément pas aujourd’hui puisqu’elle est diffusée en boucle sur les chaînes de la TNT, permettant à ces dernières ne remplir leur quota de productions françaises à diffuser. Toujours les mêmes recettes qu’auparavant: des personnages attachants que le public connaît; des décors paradisiaques et des intrigues faciles et convenues, baignant dans le bon sentiment. C’est bien connu, tout est rose dans le petit monde de Hélène!

A la fin des années 2000, un vent de nostalgie souffle sur notre télévision (comme partout ailleurs). En 2008, IFD1 voit le jour sur la TNT en Ile de France et devient très vite LA chaine qui marque le retour de Dorothée à la télévision. Azoulay tente d’imposer sur l’antenne les recettes qui ont fait le succès des émissions sur TF1…Le PAF a changé et les choses sont un peu plus compliquées. Le public est plus exigeant. D’autant plus que depuis la fin des années AB en 1997, les séries télévisées ont connu un essor considérable dans notre pays et sont considérées aujourd’hui comme un genre et un art à part entière (même si tout n’est pas gagné). Le public a aussi affiné sa culture série et n’est plus prêt à avaler n’importe quelle série. Pourtant, surfant sur la vague nostalgique, Azoulay, via sa société de production JLA (Camping paradis, SOS 18) va entreprendre de relancer une suite à la série Les vacances de l’amour: Les mystères de l’amour. Fini les tournages aux Antilles. Economie de moyens oblige, place aux tournages en région parisienne. Mêmes recettes mais un résultat qui réussi le prodige d’être inférieur en qualité aux précédentes séries, et ce, malgré la bonne volonté clairement affichée des comédiens et une vraie joie de se retrouver pour tourner ensemble. Intrigues tirées par les cheveux, affreuse lumière jaune, jeux de certains comédiens très très approximatif,…Tout sonne faux. Et c’est d’autant plus dommage qu’avec un peu plus de moyens et beaucoup plus de travail sur les scénarios, la série pourrait très bien être un petit soap à la française…Au lieu de ça, c’est une série totalement anachronique dans le paysage audiovisuel actuel. Mais force est de constater que les mêmes recettes fonctionnent toujours puisque, sans être un succès considérable, la série parvient à survivre et une saison 4 est actuellement en cours d’écriture.
Pour ma part, je suis surtout gêné de voir ces comédiens, certains talentueux (comme Patrick Puydebat), « prisonniers » de ces séries et marqués vraisemblablement à jamais du sceau « AB ».

Depuis 20 ans, les séries AB perdurent à la télévision française et leur succès continue de susciter de grandes interrogations. Certes, il y a la nostalgie mais pas seulement. C’est ce lien qu’Azoulay a su tisser entre ses programmes et le public. Comme lors des concerts retour d’Hélène ou de Dorothée, les enfants d’hier devenus adultes montrent à leurs enfants ces séries. Grâce à la TNT et au câble, ses séries devenues « cultes », peuvent être rediffusées encore et encore. Mais au final, quel gâchis!! Azoulay fut le premier à industrialiser la production de séries en France bien avant Plus belle la vie. Si son talent et son savoir faire avaient été mis au service de productions plus ambitieuses, peut-être que la production française aurait bien plus tôt rattrapée son retard. Au lieu de ça, il a participé à lui tirer une balle dans le pied; il a aussi participé à écorner considérablement ce genre très noble qu’est la sitcom. Et pour toutes ces raisons, et malgré tous les souvenirs télé qu’il a pu graver dans ma mémoire, je ne peux pas l’en remercier…





2 Comments


  1. Deadwood

    @Alex : Je suis tout a fait d’accord avec toi sur le fait que AZOULAY a industrialiser la production de séries en France.
    Est-ce qu’en France peut-on concilier industrialisation dans la production de séries avec qualité?


  2. Tout à fait d’accord avec toi. Le problème d’Azoulay était peut-être Barda qui était le financier d’AB. Mais c’est en effet très triste, le potentiel était là mais il a été gaché :/



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