Season1
Webzine de l'actu des séries TV



French Quarter

mars 9th, 2013

Homosexualité, bisexualité, transsexualité,…: les séries pour tous ?

GA (ABC Studios)

A l’heure où le débat autour du « Mariage pour tous » bat son plein en France, il nous a paru intéressant de faire le point sur la visibilité offerte à l’homosexualité et aux personnages LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) dans les séries TV contemporaines. Les créateurs osent-ils se mouiller en France comme aux USA ? La différence fait-elle toujours aussi peur ? Voici quelques éléments de réponse.

A la lumière de ce qu’il se passe en ce moment dans nos rues, c’est à se demander si l’obscurantisme qui habitait les versions françaises des séries TV américaines des années 80-90 ne menace pas à nouveau. Qu’il s’agisse du coming out de Steve Carrington dans Dynastie dont le texte fut complètement transformé (il est dit dans la VF que Steve « est malade », une traduction que l’un des interprêtes du personnage Jack Coleman a découvert en juin dernier au Festival de Monte-Carlo ndlr) ou d’une ambigüité très appuyé par des termes qui n’existaient pas dans la VO entre Chandler et Joey dans Friends, les adaptateurs français de séries américaines semblaient bien loin de considérer l’homosexualité comme normale et acceptable.

Heureusement de ce côté-là, les mentalités ont peu ou proue évolué et les séries françaises se risquent enfin aujourd’hui à inclure des personnages homosexuels et à les utiliser de façon intéressante. Rien que ces derniers mois, la série d’Arte Ainsi soient-ils développait, certes assez maladroitement les sentiments amoureux de deux jeunes séminaristes alors que dans Les Revenants, l’une des héroïnes recommençait une histoire d’amour avec son ex petite-amie sans que leur liaison ne crée d’émoi dans ce petit village de montagne. En terme de visibilité, il faut quand même rendre à Plus Belle la vie ce qui lui appartient. Grâce au personnage de Thomas, un gay bien dans ses baskets, barman du restaurant emblématique du Mistral, confident de sa clientèle qui vit ses histoires d’amour comme n’importe quel hétéro de soap, la série de France 3 jetait un pavé dans la mare dès 2004, qui plus est à une heure de très grande écoute. Preuve supplémentaire que les séries TV sont le reflet positif -dans une certaine mesure- de la société et vive versa, la nouvelle venue Tiger Lily qui sera diffusée sur France 2 dès le 30 janvier met en scène un personnage lesbien campé par Lio. Non seulement Muriel est en couple mais elle est également la mère d’un garçon qui réclame à ses mamans une figure paternelle. La série ne se contente plus seulement de montrer un personnage à la sexualité différente, elle est en prise direct avec les questions sociales actuelles.

Pour autant, la France s’éveille un peu tardivement. Cela fait bien longtemps que de l’autre côté de l’Atlantique, les séries TV ont ouvert le champ des possibilités même si les personnages LGBT ne sont pas très développés. L’élément déclencheur dans l’acceptation par le public d’une visibilité homosexuelle passe par le coming out personnel et « professionnel » d’une star de la sitcom dès 1997, Ellen De Generes. Dans un épisode d’anthologie d’Ellen, le personnage  se confesse à sa psy, campée par Oprah Winfrey, la papesse du talk show alors même que De Generes l’avait fait deux mois plus tôt à titre personnel dans l’émission… d’Oprah. Cet aveu est un coup de tonnerre médiatique qui déchaîne les foules en bien et en mal. A terme, l’homosexualité assumée de cette célébrité va rendre les scénaristes moins frileux et va permettre l’arrivée de séries qui offrent une vraie place aux gays et aux lesbiennes : Dawson’s Creek, Buffy, the Vampire Slayer, ER, Will & Grace, Ugly Betty, Brothers & Sisters, House MD, United States of Tara pour ne citer que celles-ci.

Les chaînes du câble s’imposent alors en force et notamment HBO. En plein âge d’or, elle accouche de OZ et surtout de Six Feet Under qui aide considérablement la « cause ». En 2000, sous l’impulsion de Showtime, la série gay fait son apparition avec Queer as Folk US suivi par son pendant féminin The L Word quatre ans plus tard. Notons que même outre-manche, la BBC 3 nous livre Lip Service qui ne connaîtra malheureusement que deux saisons quelques années après la très attachante Sugar Rush.

L’Histoire c’est bien mais qu’en est-il aujourd’hui ? S’il n’y a plus à proprement parler de séries homosexuelles qui tiennent sur la durée, quatre créateurs font toute la différence. Le premier d’entre eux est Ryan Murphy, porte étendard de la visibilité. En multipliant les personnages LGBT dans Glee, il éduque les plus jeunes téléspectateurs et c’est un énorme pas vers la tolérance. Il tente de capter un public plus adulte avec la toute nouvelle The New Normal sur le quotidien d’un couple gay qui trouve une mère porteuse et par la même occasion une famille. Renouant avec son attrait pour la provocation initié avec Nip/Tuck, il offre un très beau rôle de lesbienne à Sarah Paulson dans American Horror Story : Asylum.

Remercions également Shonda Rhimes toujours prompt à créer des ambiances cosmopolites qui a installé et fait évoluer avec brio les personnages de Callie et Arizona depuis la saison 5 de Grey’s Anatomy. D’ailleurs, l’homosexualité du couple ne se remarque même plus tellement le travail d’intégration est bon. Dans sa dernière création, Scandal, elle repousse un peu plus les limites de la fiction en faisant du bras droit du Président des USA (républicain), un gay marié et sur le point d’adopter un enfant. La chose qui, soyons clairs, n’arrivera jamais dans la réalité !
Après Six Feet Under et avant Banshee, Alan Ball fait une incursion très remarquée dans le monde du fantastique et de la sexualité fluctuante avec True Blood. Que l’on aime ou pas la série, il faut bien reconnaître qu’elle n’a peur de rien et surtout pas de parler d’homosexualité et de bisexualité via les personnages de Lafayette et de Tara.
Enfin citons Steven Levitan et son co-créateur Christopher Lloyd qui sont à l’origine de Modern Family qui met au même niveau tous les couples qui composent cette drôle de famille non sans poser aussi les questions qui fâchent. Bien qu’assez caricaturaux sur la forme, Cameron et Mitchell forment un duo très réaliste. Papas d’une petite fille adoptée, ils se remettent très souvent en cause, en se demandant s’ils font ce qu’il faut en tant que parent.

Il n’était pas ici question de faire une liste exhaustive des personnages LGBT des séries télévisées actuelles. Il y a évidemment bien d’autres personnages, en particulier dans les nouveaux shows de la saison 2012/2013. C’est au final un bilan assez positif que l’on peut faire de la visibilité homosexuelle dans les séries TV, en France comme aux Etats-Unis. Car les scénaristes ne se contentent plus de remplir les quotas et posent des questions de fond.  Si ce merveilleux medium que sont les séries TV, souvent tellement décrié, pouvait aider à instaurer un peu plus de tolérance dans une société qui en a actuellement bien besoin, ça n’en serait que plus profitable.

Dossier réalisé par Cécile Pinaud

Crédits Photos: Ellen (Touchstone Television)/ Grey’s Anatomy (ABC Studios)/ Glee et Modern Family (20th Fox Television)/ Plus belle la vie (France 3 François Lefebvre)

Je tenais juste à compléter ce dossier en mentionnant la très audacieuse série britannique Hit & Miss, bientôt diffusée sur Canal+ avec Chloé Sévigny dans le rôle de Mia, tueuse à gages au très lourd secret : transsexuelle, elle découvre qu’elle a engendré – dans son ancienne vie – un enfant. Elle reçoit un jour une lettre de son ex qui lui annonce qu’elle est en train de mourir d’un cancer et qu’elle a besoin de lui -ou d’elle- pour s’en occuper à sa mort, ainsi que de ses autres enfants. Mia part alors en direction du petit village où ils vivent et y fait des rencontres surprenantes…

P.S par Alexandre Letren
Crédit Photo: © Sky Productions





7 Comments


  1. S.T.

    Un article très intéressant. Une omission de taille pourtant : à la fin des années 90, l’un des personnages principaux de la série de France 2 « Avocats et Associés », Laurent Zelder (incarné par Frédéric Gorny) était homosexuel. Son mode de vie, d’abord caché, puis son coming-out et le couple qu’il forma avec son partenaire (ou ses partenaires) furent longuement développés au fil des saisons de la série et en ont fait un des premiers « gays » de la fiction française (si ce n’est le premier en fait).


  2. Comme le dit Cécile, le but n’était pas de tout dire et de tout citer, et je pense que l’on pourrait toujours dire dans ce type de dossier, « vous avez oublié cette série ». Même si je partage totalement ton avis sur cet exemple, celui de Plus belle la vie me semble « plus parlant » dans le sens où c’est au quotidien que le public a appris à aimer Thomas Marcis et en ont fait un des rôles préférés des téléspectateurs


  3. S.T.

    Aucun problème, je comprends bien la nécessité de faire des choix. C’est juste que le dossier (très bien fait au demeurant dans sa partie US) donne l’impression que c’est avec PBLV que les choses ont commencé réellement à bouger. Une Famille Formidable développait déjà un personnage homosexuel (et ce en prime-time, sur TF1, au début des années 90 – une chaine dont je suis loin de penser du bien lorsqu’il s’agit de ses fictions) au milieu des années 90 (ce qui me fait dire que ma première intervention n’était pas tout à fait juste). Le truc, c’est que j’ai l’impression que les amoureux de série maitrisent souvent mieux les séries UK/US, bref étrangères, que les fictions françaises.. (C’est mon cas en tout cas)… :)


  4. Cécile

    Il est effectivement vrai que la sériephile que je suis maîtrise bien mieux les séries américaines que les françaises, que je regarde finalement très peu ! D’où cette impression de déséquilibre et quelques omissions :)
    Mais c’est vrai aussi qu’être exhaustif est compliqué dans ce type d’articles, voire même impossible.


  5. …et ce n’est pas le but même si je m’en veux d’avoir omis Une famille formidable



Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML :