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mars 9th, 2013

Tiger Lily avec Charlotte Paillieux et Negar Djavadi Ep 2: Comment garder l’intégrité de sa série?

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Written by: Alexandre LETREN
Mots-clefs :Benoït Cohen Réalisateur, , , , La guilde française des scénaristes, , Lio Banana Split, , , Tiger lily France 2,
TIGER LILY

Il y a quelques temps, nous revenions en détail sur la série Tiger Lily diffusée sur France 2 les 30 janvier, 6 et 13 février 2013. On va à présent rentrer dans le vif du sujet et s’intéresser aux différents étapes de la création de cette série.
Charlotte Paillieux et Negar Djavadi, les deux créatrices de la série, nous expliquent dans cette seconde partie comment on essaie de garder l’intégrité d’un projet quand on est tiraillé entre les exigences de la chaîne, de la production et du réalisateur.

Season One: Est-ce que comme ça se fait beaucoup une personne est repassée derrière vous pour retravailler vos textes?

Charlotte Paillieux: Il a fallu lutter. Après deux ans et demi d’écriture, ça ne peut pas se passer comme si c’était une série de commande. J’ai travaillé sur ce genre de séries: on me commande un scénario, on me paye pour et c’est très bien, c’est du flux et je m’en moque que quelqu’un réécrive derrière. C’est le jeu, on est 50 à écrire dessus, il n’y a pas de personnalité, c’est pas grave. Tiger Lily c’est une série dans laquelle on a mis notre âme, beaucoup de choses personnelles et ça a été traité comme si ce n’était pas une série d’auteurs mais comme une série de commande. A cela s’est ajouté une autre difficulté: le réalisateur. Sur ses autres projets, Benoit Cohen était aussi auteur et c’est la première fois qu’il acceptait de ne pas écrire, de ne pas être l’auteur.

Season One: On vient de voir que le scénario vous échappe pour être retravaillé, à la fois par des auteurs, mais aussi par le réalisateur non?

C.P: Benoit Cohen a voulu le faire avec nous. Mais ça été chaud car nous deux, on défendait notre série comme des tigresses.

Negar Djavadi: C’est pas tant que les textes ont été retravaillés. C’est pire que ça. On revient sur des textes qui initialement avaient été validés par la chaîne. C’est un jeu de négociations permanent entre auteurs et réalisateur car il est aujourd’hui encore en France considéré comme primordial. Le réalisateur est auteur chez nous. Ce n’est pas un fabriquant, un « faiseur » qui viendrait travailler au service des scénaristes.

Season One: Est-ce que vous pensez que c’est dur pour eux d’abandonner ce statut de réalisateur-auteur?

C.P: Terriblement. C’est comme une existence amputée pour eux. C’est comme si on leur demandait de faire la moitié de leur travail. On a essayé de faire au mieux pour lui expliquer qu’on voudrait qu’il fabrique la série, qu’on en discute ensemble de cette fabrication. C’est le souhait de tous les scénaristes: d’être un peu sur le modèle du showrunner américain. En même temps je comprends que les réalisateurs de séries américaines ne soient pas dans cet état d’esprit non plus. On leur amène Wisteria Lane (Desperate Housewives ndlr) et c’est un plateau de jeu pour eux. Pas besoin d’être auteur. Tout est fait pour. En France, on est en décors naturels et rien ne facilite la tâche du réalisateur pour qu’il s’amuse. Il est obligé de faire des concessions en permanence donc le seul endroit où il peut prendre du plaisir, c’est en travaillant sur le texte.

N.D: Je crois que c’est bien pire que ça. On ne parvient pas encore à décoller la télé du cinéma. On n’a pas une culture télé. La noblesse en France reste le cinéma. On le sent même jusque dans les réactions que l’on provoque en disant qu’on fait une série télé. La télévision reste encore le parent pauvre.

Season One: On le voit jusque dans la construction d’une saison où on a plus l’impression d’un film découpé en plusieurs parties qu’une vraie série avec la construction narrative d’une série

C.P: Le fait de pas avoir la garantie dès le départ que la chose va durer n’aide pas non plus. On est obligé de clôturer nos histoires en fin de saison. Et puis de toute façon, on nous demande des histoires bouclées. Dans le cas de Tiger Lily, on a de la chance, la série est feuilletonnante. Si tout va bien, ils ne pourront pas la diffuser dans le désordre. Mais c’est vrai qu’on a dû refermer pleins de portes parce que c’était nécessaire. Pour éviter que si la série ne se poursuive pas, le public ne se dise pas que l’on s’est moqué de lui.
Quand je vois certains programmes, très beaux visuellement mais où on ne résout pas tout et on ne dit rien parce que c’est une chaîne « de prestige », ça énerve un peu. Surtout qu’on va en faire beaucoup niveau com’ pour dire « Voilà la fiction française c’est ça ». Mais la série « grand public » a encore du mal à arriver. Chez nous la série dite d’élite, ce n’est pas comme aux Etats-Unis, on la confie à des gens de cinéma. On ne la confiera pas à Negar ou à moi.

Season One: Et on le voit bien dans Tiger Lily. C’est une série réalisée par Benoit Cohen et non écrite par C.P et N.D. On continue de ne mettre en avant que le réalisateur…

D.N: …réalisateur qui est arrivé seulement un mois avant le début de tournage. Vous voyez à quel point tout cela est disproportionné: laisser de la place au réalisateur reste plus important que laisser la place aux auteurs et à l’histoire.

Season One: Aujourd’hui vous avez commencé à travailler sur la saison 2 alors que la série n’est pas terminé d’être diffusée (les auteures en étaient à l’épisode 5/8 au moment de l’interview ndlr). Comment parvenez-vous à travailler en tenant compte des erreurs de la saison 1 sans avoir eu les premiers retours du public?

C.P: On se sert beaucoup aussi du travail des journalistes. On fait une sorte de synthèse des critiques positives et des critiques négatives.

N.D: On soumet toutes les critiques des journalistes à la production (même les négatives, avec lesquelles on peut être d’accord) pour qu’enfin, ils nous écoutent. D’ailleurs ce qui est drôle dans certaines critiques négatives c’est que l’on voit parmi eux des gens qui ne savent pas comment les séries françaises s’écrivent. Par exemple, certains nous reprochent avec la question de l’homoparentalité de Muriel d’avoir cherché à surfer sur l’actualité. J’ai juste envie de leur rappeler que 6 épisodes ne s’écrivent pas comme ça, ça prend du temps et on les commence à un moment où ce n’est pas obligatoirement d’actualité. Et plus, quand on les écrit, on ne sait même pas quand la série sera diffusée donc difficile d’être en phase avec l’actualité dans ces conditions.

C.P: En fait, pour la suite de la série, on réfléchit à comment on peut encore surprendre pour ne pas être en dessous de ce que l’on a montré en saison 1.

Season One: Et vu les délais de tournage entre deux saisons, vous ne pouvez pas reprendre exactement là où vous avez terminé la saison 1. Vous allez faire comment?

C.P: On a une petite pirouette. Comme il est clair que nous n’irons pas tourner à San Francisco, sans trop dévoiler, on aura une scène qui explique ce qu’il s’est passé là-bas. Mais dans l’histoire, on les reprend un an plus tard…
La difficulté c’est de faire comprendre à nos interlocuteurs que le public a l’habitude de voir des choses comme le saut dans le temps et que ce n’est pas rebutant pour lui.

Season One: Revenons sur un aspect que l’on n’a pas mentionné qui est que la série ne montre peut-être pas assez ce qu’on nous promet à savoir un groupe…

C.P: On voulait au départ ouvrir sur les 4 filles et pas uniquement sur un seul personnage comme c’est le cas aujourd’hui. On voulait montrer 4 personnes qui ont un passé en commun et même, un futur en commun puisqu’elles veulent remonter le groupe. Donc elles avaient un but et des péripéties pour l’atteindre. Mais pour France 2, c’était plus simple d’ouvrir la série sur une ménagère, une femme avec laquelle tout le monde va pouvoir s’identifier. Et tout ça alors que, pour nous au départ, l’héroïne de la série, ce n’est pas Rachel mais Rita. C’est elle le leader du groupe. Mais non, il fallait rentrer dans la série avec une vraie ménagère donc cela a aussi beaucoup bouleversé les choses. Il a fallu du coup tout réécrire, et on s’est retrouvé à avoir jusqu’à 30 versions différentes de Rachel!!
On n’est pas d’accord là-dessus mais on est bien obligées de répondre à ce que veut le diffuseur. La chaîne demande une série d’auteurs mais les auteurs sont obligés d’écouter les gens qui commandent (petit rire d’ironie ndlr).

N.D: L’ironie c’est qu’en ne mettant pas le rock en avant comme on le voulait nous, ils ont de fait accentué la ressemblance avec Desperate Hosuewives dont ils ne voulaient surtout pas…

A suivre: Tiger Lily avec Charlotte Paillieux et Negar Djavadi Episode 3:
Comment se passe le tournage d’une série pour des scénaristes?

Crédits Photos: Charlotte Pailleux et Negar Djavadi (© GROUPE 25 IMAGES)/© Ego Productions/France 2
Dossier TIGER LILY Ici





2 Comments


  1. Yann

    « Pour éviter que … le public ne se dise pas qu’on s’est moqué de lui. »

    Trop tard, j’ai vu les deux premiers épisodes … j’arrête.


  2. Flore

    Vraiment dommage… Tiger Lily est une série qu’on a envie d’aimer : on y sent de la sincérité, un élan… mais on y est souvent consterné par les clichés et les raccourcis qu’elle brasse. L’audace y est constamment bridée et l’aspect rock trop affadi. Quand les chaînes françaises cesseront-elles de prendre les Français, hyper aguerris aux séries américaines et à leurs codes pour des crétins ? Le pitch était excellent, le casting alléchant et le résultat de l’eau bien trop tiède pour susciter l’adhésion ou l’enthousiasme. Une saison 2 à la hauteur ?



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