Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Top

2 Commentaires

Dingue d’une Crazy Ex Girlfriend?

Dingue d’une Crazy Ex Girlfriend?
Charlotte Calignac

Soyons clairs immédiatement : Crazy Ex-Girlfriend ne ressemble à aucune autre série diffusée aux États-Unis. C’est une comédie musicale, certes, mais qui n’a rien à voir avec Smash, Glee, ou même Galavant. Oui, les personnages chantent et font des numéros, mais les genres musicaux changent à chaque chanson, permettant aux acteurs d’exploiter des styles variés à la fois en dansant comme en chantant, renforçant un univers qui semble n’avoir ni queue ni tête. C’est une comédie, mais elle dure 40 minutes et on n’y rit pas toutes les trois minutes à cause d’une blague bien placée, ou un silence un peu trop long. Et c’est aussi un drame, car il est évident que l’héroïne est profondément malheureuse.

Rebecca Bunch travaille à New York et a tout pour réussir dans la vie : elle apprend qu’elle va devenir partenaire de la firme d’avocats la plus sélective de la côte Est. Elle a accompli le rêve de sa mère, du moins elle et ses multiples boîtes de médocs vont l’atteindre quand, au milieu d’une crise d’angoisse, Rebecca croise son amour d’un été au lycée : Josh. Il n’a pas changé, il est niais, il n’est pas célibataire, mais il est heureux et il habite en Californie à West Covina. Rebecca fait un burn out. La seule échappatoire qu’elle perçoit, le seul souvenir de bonheur qu’elle a étant Josh : elle démissionne littéralement sur le champ et déménage à West Covina dans l’espoir de retrouver Josh et de retrouver cette sensation de bonheur perdu. Sauf qu’il a une petite amie très sérieuse avec qui il était déjà au lycée et qu’il n’a jamais quittée.

Tout au long du pilot, Rebecca se défend d’avoir choisi West Covina à cause de Josh. Elle répète à qui veut l’entendre que c’est simplement parce que la description de la ville lui a donné envie, mais tout l’épisode martèle que quelle que soit la réelle raison de son départ, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une décision extrême. Personne de sain d’esprit et de stable ne démissionne et déménage à l’autre bout du pays en une journée. Et c’est complètement ce que la série assume : ni Rebecca, ni les autres personnages que nous allons rencontrer par la suite, ne sont stables ni heureux.

Josh ne sait toujours pas ce qu’il veut faire alors qu’il a presque 30 ans (s’inscrivant parfaitement dans sa génération), la voisine étudiante pense se moquer de la souffrance de Rebecca et finalement se prend d’affection pour elle et se contente de l’observer, Paula est terriblement malheureuse dans son mariage et vit à travers Rebecca, et Greg est bloqué dans son métier de serveur en espérant pouvoir un jour retourner à l’école. Tous les personnages sont profondément malheureux et prennent de mauvaises décisions.

C’est dans ces extrêmes, et dans l’exploration de ce que le mal-être peut nous faire faire que la série est drôle. Alors attention, c’est un humour qui peut mettre extrêmement mal à l’aise. Rebecca va souvent droit dans le mur, se mentant tellement à elle-même qu’elle peut en être délibérément insupportable. Mais elle évolue au fur et à mesure des épisodes, et elle lutte contre ses démons, ce qui la rend également inexorablement attachante. J’ai la même relation avec Rebecca que j’avais avec Michael Scott dans The Office. Le clown triste, terriblement humain, paradoxal à un point réaliste qui dérange, ces deux personnages renvoient à des émotions de honte, de mise à nu qui sont à la fois hilarantes et humiliantes, tout en restant systématiquement dans le respect (et c’est une ligne que pour l’instant Crazy Ex-Girlfriend parvient à maintenir).

crazyexgirlfriend

Même quand Rebecca fait des choses détestables à ces nouveaux proches, on perçoit qu’elle sabote tout ce qui peut la rendre heureuse et se fixe des objectifs irréalistes, bloquée dans un cercle vicieux d’échec qu’elle n’arrive pas à briser.

Au milieu de toute cette exploration du mal être de façon satirique et humoristique, chaque épisode parvient à faire la part belle à plusieurs personnages, sur des styles de musique variés, qui changent l’univers visuel et auditif de la série. Les numéros chantés, réelles fenêtres ouvertes sur l’état d’esprit de chaque individu de l’univers, participent à faire de Crazy Ex-Girlfriend un ovni sur les chaînes américaines.

Ça, ce ne sont que les qualités évidentes que Rachel Bloom, connue pour ses vidéos barrées (notamment la très subtile « Fuck Me Ray Bradbury ») explore avec aplomb cette première saison. Crazy Ex-Girlfriend, c’est aussi une série profondément féministe (contre toute attente, surtout compte tenu de son titre), et la première fois qu’une héroïne de la CW ne fait pas une taille 34. Crazy Ex-Girlfriend, c’est une nouvelle perspective sur ce que peut être la féminité.

Réelle bouffée d’air frais, originale et difficilement descriptible, la série souffre de faibles audiences. Mais, grâce à un tout nouveau Golden Globe remporté récemment par Rachel Bloom, c’est une deuxième récompense en 2 ans que la CW remporte dans son fief, ce qui laisse penser que la série pourra continuer d’explorer de nouveaux horizons. J’espère que ça va durer.

Crédits: CW