Edito: « Le monde avance trop vite »
Cette phrase a été prononcée aujourd’hui, lors du déjeuner presse qui a suivi la Conférence de presse de France 3. Elle illustre combien nous ne parlons pas le même langage avec les décideurs des chaînes. Nous devons cette phrase à Anne Holmès, responsable de la fiction de France 3. Mais pourquoi l’a-t-elle dit? Retour en arrière.
Face aux séries diffusées jusque là par France 3, ainsi que celles à venir, une constante se dégage et entraîne une question: combien de séries parlent du monde dans lequel nous vivons?
C’est la question que j’ai été amené à lui poser car je ne comprends pas pourquoi une chaîne de service public ne propose pas de fictions parlant de notre époque, interrogeant notre société. Pourquoi les séries que l’on peut voir auraient très bien pu être faite de la même manière avec les mêmes ressorts il y a 10 ou 15 ans? Un épisode de Law and order de 2008 ne dit pas la même chose qu’un autre épisode de la même série sorti en 1996. Ces séries que l’on connaît et que l’on aime ont des marqueurs temporels qui en font des séries de leur époque. Sur France 3, ces séries sont très agréables à suivre mais elles semblent « hors du temps », « hors de notre temps ».
La réponse de la responsable des fictions nous a quelque peu surpris. Plutôt que d’assumer ce choix (ce qui aurait été parfaitement légitime), elle le justifie par ces mots: « Le monde avance trop vite, on met trop de temps à écrire les séries pour pouvoir le faire« . Et histoire d’étayer sa réponse d’exemples, elle nous en cite deux qui sont très très particuliers:
- Quand la loi sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics est sortie, on aurait reproché à la chaîne de proposer une rediffusion d’un programme car on y voyait des gens fumer dans un lieu public alors qu’en réalité le dit programme avait été tourné avant la promulgation de la loi.
- Autre exemple qui nous a bien rire il faut le dire: l’expression « avoir le seum« . « Si je l’utilise dans une fiction, entre le moment où la fiction sera écrite et le moment où elle sera diffusée, l’expression ne sera plus à la mode« .
Ces deux exemples laissent sans voix. C’est donc ça pour France 3 interroger le monde dans lequel on vit? C’est utiliser des expressions à la mode? Comment ne pas s’étonner avec cette réponse que les fictions n’avancent pas? Il n’y a pas que la fiction du quotidien qui puisse le faire, même si Plus belle la vie le fait très bien. La fiction hebdomadaire doit pouvoir le faire aussi en interrogeant les phénomènes de fond de la société et ne souffrira pas d’être écrite quelques mois avant, comme le fait très bien Engrenages (chaque saison est écrite longtemps avant sa diffusion). Et non, ce n’est pas la faute des scénaristes qui n’écrivent pas assez vite mais bien aux chaînes qui ne veulent pas parler du monde dans lequel on vit. Le polar, si présent sur l’antenne de France 3, pourrait pourtant très bien remplir cette mission.
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Nataka
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