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Il était une fois…Cherif (2/4): Un héros utile

Il était une fois…Cherif (2/4): Un héros utile
Alexandre LETREN

Les événements récents à Paris nous ont fait dire qu’il était important de sortir très vite notre « épisode » dédié à Cherif lui même, un héros positif car nous pensons, et cela se vérifie déjà, qu’il faut contrer les amalgames qui vont surgir. Ces amalgames sont déjà sortis pour toucher directement la série puisqu’on pouvait lire sur Twitter des appels à la déprogrammation de la série en raison du nom du héros, similaire au prénom d’un des terroristes. C’est en voyant ça que la décision de focaliser cet épisode sur Cherif uniquement a été prise. Durant notre discussion, nous avons parlé du personnage de Chérif et Abdelhafid Metalsi nous a confié des choses très justes que l’on voulait partager avec vous maintenant. Gardez juste bien en mémoire que tout ce qu’on dit s’est dit 48h avant les attentats de Paris et que certaines constituent donc un joli message.

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Lionel Olenga et les auteurs de la série ont façonné un personnage réellement intéressant. Sa caractérisation est double: identifié comme un flic d’origine maghrébine par moment, il le fait régulièrement oublier de part le jeu d’Abdelhafid mais aussi parce que ce personnage aurait très bien pu exister en étant breton ou alsacien et s’appelant Michel Durant. Mais le simple fait de s’étonner de la présence d’un personnage comme Kader Chérif à la tête d’une série nous montre bien à quel point notre fiction est en retard. Ce que bien entendu Abdelhafid nous confirme volontiers: « Au fond c’est bien ça le problème. C’est un aspect sur lequel je ne m’étale jamais mais je le fais cette fois car j’ai confiance en toi. Quand on est aux Etats-Unis et qu’on voit une série avec un black, personne ne le relève. Pareil pour un hispanique. Chez nous, on s’étonne encore alors que ça ne devrait plus nous étonner. Ça ne devrait plus nous étonner car c’est une part importante de la société française, de son Histoire. Je suis toujours malheureusement étonné qu’on le relève. Il aurait très bien pu s’appeler Paul Olenga pour rigoler que je l’aurais défendu de la  même façon. C’est quand même dommage qu’on en soit encore là aujourd’hui.
J’espère que le temps ne nous donnera pas tort mais Cherif, tel que le vois, représente la France de demain, la fiction française de demain. Et celles et ceux qui ne l’acceptent pas sont simplement dans le déni total. On s’en fout d’où vient Cherif, ce qui importe c’est où il va. »

Le choix d’un personnage d’origine maghrébine comme choix politique? Lionel Olenga nous répond:
« A partir du moment où le personnage s’appelle Kader Cherif, il nous paraissait évident de prendre un acteur pouvant l’incarner de par ses origines. Au départ, on avait décidé de traiter Kader Cherif comme les auteurs ont traité Luther (la série avec Idriss Elba ndlr): Luther est noir mais pourrait très bien être asiatique ou africain, ses origines ne sont jamais traitées. On a donc décidé de faire pareil. De plus, Chérif est un personnage qui n’est pas beaucoup représenté à la télé: il n’y a aucune figure d’enfant d’immigrés sans problème à la télévision aujourd’hui comme figure de proue d’un programme. Si on devait retenir un choix « politique », un angle, ce serait celui-ci. »
Ce choix délibéré et assumé dès le départ se retrouve jusque dans l’écriture puisque jamais celle-ci n’insiste lourdement au travers des dialogues sur les origines de Chérif. « Chérif est là pour raconter des histoires, précise Abdelhafid. Il ne revendique rien et est juste bien dans ses pompes parce qu’il a toujours rêvé d’être là où il est. C’est génial de jouer un personnage comme celui-ci. De part son métier, il se permet des choses que personne n’oserait faire. Je me suis souvent fait la remarque que j’aimerais bien avoir un pote comme Cherif. C’est pour ça que le personnage d’Adeline est intéressant car il est comme une chambre d’écho de ses écarts. Parce que si elle ne les relevait pas, personne ne les verrait, ça semblerait normal. C’est parce qu’elle est là que Chérif est un peu extravagant. Et c’est parce qu’il est tel qu’il est qu’on trouve Adeline un peu coincée, un peu rigide. »

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La toute première scène de la série résume finalement assez bien tout ce que l’on se dit. Celle où Chérif rentre chez lui par la fenêtre et où Adeline qui ne le connaît pas encore, l’arrête, pensant à un voleur. Abdelhafid poursuit sur cette scène: « Tu as tout à fait raison et cette scène est synthétisée par une réplique d’Adeline:

Excusez moi mais un arabe qui force une fenêtre pour rentrer chez lui c’est rarement un flic

(rires)

Et ce qui est intéressant c’est que ça vous fasse rire. Je trouve ça super.
Au vu de la saison 2, l’âme républicaine de Chérif n’est pas contestable et j’espère qu’on va donc pouvoir aller titiller ces choses là, aller titiller l’inconscient des gens sur les idées reçues qu’on balade tous, et dont on n’a jamais fait l’inventaire, ce que l’on pourrait faire maintenant.
C’est ça que j’aime dans cette série avec ce genre de répliques. La série ne revendique rien mais fait rire les gens des propres idées qu’ils ont. Autant je trouve que ça ne sert à rien d’être dans les revendications, que ce n’est pas notre rôle, qu’on est là pour divertir les gens; autant si, de temps en temps, on peut faire un petit croche pied à ce genre d’idées, c’est bien mieux. Cette rigueur là c’est important de l’avoir, de questionner notre inconscient et nos idées reçues qu’on véhicule parfois sans s’en rendre compte. »

Habdelhafid_Weber

« L’acteur n’est que le haut parleur du scénario, c’est pour ça qu’il doit rester humble« 

Pour quiconque a déjà eu la chance de rencontrer et discuter longuement avec Abdelhafid Metalsi (ce qui est le cas de votre serviteur), il se dégage de ce garçon la même sérénité, la même sympathie et le même charisme que de son alter ego de fiction. Ce n’est pas pour rien que le personnage semble si réussi. Il correspond à la rencontre entre un comédien et un rôle. Imaginer Kader Cherif sans Abdelhafid est juste impossible. Talentueux et humble,à l’image de son personnage, il incarne le personnage dès les premiers instants de la série.

« Timide c’est pas le genre de la maison. Ce serait plutôt sans complexe » 
(extrait de la saison 2 de Chérif)

Crédits: France 2/ Making Prod
Retrouvez la première partie Il était une fois Chérif (1/4): La naissance de Kader

Retrouvez notre émission French Touch #5: Un Chérif dans la ville