Je parlais dernièrement de The Vampire Diaries, et de sa chute de qualité. J’avançais deux arguments pour expliquer cette chute : la décision de faire un spin-off à partir d’un personnage monstrueux, et par conséquent la dispersion sur trois projets différents de la productrice exécutive et showrunner : Julie Plec.

The Originals est un spin-off, c’est à dire une série dérivée, de The Vampire Diaries, qui reprend (globalement) le même univers et les personnages. L’idée est dans les tuyaux depuis la mi-saison 3, et a été complètement développée l’année dernière durant la saison 4 de TVD. L’aboutissement du projet fut un « back-door pilot », un pilot inclus comme un épisode de la série-mère.

Dès le début de la saison 4 de The vampire diaries, des rumeurs ont couru sur internet de l’arrivée de ce spin-off, fondé sur Klaus et sa famille, qui sont tous des psychopathes mais qui sont adulés par les fans.

Les adolescentes ciblées par la CW ont fait un excellent job sur Twitter et diffusé l’information à foison. Inutile de dire que la chaîne, les producteurs et les RP ont fait monter la sauce pendant une année entière, promettant une série plus sombre, plus mature, plus adulte que The Vampire Diaries.

Dans la série-mère, on a passé l’année à nous faire des références chiantes sur la Nouvelle-Orléans et on a essayé de nous faire gober le fait que Klaus et ses frangins en ont façonné la ville qu’elle est devenue.

Je ne suis pas fan de la famille Michaelson que je trouve faussement compliquée et mal écrite, mais The Vampire Diaries sans triangle amoureux, plus adulte et plus sombre, ça m’a parlé. Il était de toute façon temps pour The vampire diaries de dire au revoir aux Originals (à prononcer à l’anglaise hein).

Le back-door pilot est nullissime. À l’heure actuelle, la seule réponse à la question « pourquoi tu regardes ? » que je peux donner, c’est que je suis loyale. Vous pourrez vous servir de mon exemple en cours de philo pour démontrer que ce n’est pas toujours une qualité.

Le concept de départ de la série, c’est que Klaus l’hybride vampire-garou qui a couché une fois avec une louve-garou (?), l’a mise enceinte. Elle ne connaît pas ses origines familiales et veut en savoir plus à la Nouvelle-Orléans où elle se fait enlever et où elle sert d’otage à des sorcières pour obtenir de Klaus qu’il tue le Méchant Marcel. Ce dernier les empêche de faire de la magie avec une arme secrète.

Voilà, voilà, voilà. Ça, à la CW, ça fait une série mature et sombre. Des bébés hybrides désirés par littéralement personne, nés non d’un acte d’amour mais de la plus pure et sauvage pulsion sexuelle. Et des sorcières insupportables brimées par un vampire charismatique.

The Originals ne fonctionne pas pour moi pour plusieurs raisons, et ce ne sont que des problèmes d’écriture.

Le concept de départ est ridicule

Klaus est un vampire millénaire, littéralement indestructible. Pourquoi voudrait-il d’un bébé ? Julie Plec parle d’une rédemption du personnage, et veut jouer sur l’aspect romantique de l’idée du bébé. Comme dans les mauvaises fanfictions, qui joue sur la plus vieille corde misogyne : où la femme piège un homme qui montre qu’il est un homme bien en restant. Tant pis s’il est malheureux et ignoble par la même occasion. Il n’avait qu’à mettre un préservatif, ou restreindre ses pulsions bestiales.

Donc la rédemption de Klaus : un être innocent qu’il faut défendre avant même sa naissance. Sauf que Klaus n’accepte l’enfant que parce qu’il veut un héritier. Le mec est intuable, veut être le plus puissant et exige que le monde le respecte… mais il veut un héritier ? Je suis persuadée que si les dictateurs de notre monde pouvaient être immortels, la dernière chose qu’ils voudraient serait précisément un challenger.

La raison pour laquelle Klaus reste à la Nouvelle-Orléans n’est même pas le bébé, non, c’est parce qu’il est jaloux du fait que son ancien protégé Marcel, un esclave du XIXème qu’il a connu depuis l’enfance et qu’il a élevé comme un fils pour le transformer une fois adulte, ait gardé la Nouvelle-Orléans fondée par les Originals et qu’il en ait fait une ville dirigée par les vampires. Le Klaus de The vampire diaries aurait juste arraché le cœur de Marcel, puis asservi les vampires à son joug. Là, la lutte entre Klaus, les vampires et les sorcières aurait pu être une excellente histoire, fondée sur du complot, des alliances complexe, et des enjeux sympas. Mais non. Klaus ne tue pas Marcel. Parce que… l’histoire le veut. Arrêtez de poser des questions!

Quant aux sorcières, elles sont aussi stupides qu’inutiles et c’est dire quelque chose quand on sait qu’il y avait Bonnie comme exemple de base. Au moins, elles ne sont pas toutes afro-américaines…

Il faudra aussi m’expliquer pourquoi avoir fait le choix de la Nouvelle-Orléans. Les vampires les plus vieux du monde s’installent en Louisiane et y restent ? Pas New York, ou même Boston ? Chicago avait été envisagé un long moment (par rapport à The vampire diaries), et j’aurais mille fois préféré cette ville. La Nouvelle-Orléans n’a été sélectionnée finalement que pour sa mythologie historique du vaudou, et vu ce qu’ils en ont fait, ils auraient été plus intelligents de s’abstenir. Ça rappelle les pires épisodes de True Blood. La nudité en moins.

(Question à méditer : l’idée que la CW se fait d’une série mature et sombre, c’est un bébé totalement non-désiré qui grandit avec des vampires ? Ils trouvent le concept « controversé » ?)

Klaus est insupportable

J’adore Joseph Morgan. Il est d’un charisme ravageur, ainsi que d’un talent indéniable. Klaus passe son temps à crier, à accuser, à menacer, et l’acteur arrive encore à faire pincer mon cœur quand il a les larmes aux yeux en blâmant ses frères et sœurs pour ses propres échecs.

Mais on connaît le personnage depuis 2 saisons complètes maintenant. Même en reprenant la série à zéro, en dix épisodes on n’a que des preuves que Klaus ne vit que pour lui. Il « tue » son frère, dirige sa sœur, viole à répétition le psyché d’une pauvre fille qui n’a rien demandé, et a une relation ultra malsaine avec tous son entourage sans que ce ne soit une seule fois soulevé par les principaux intéressés. C’est peut-être un anti-héros, mais je ne comprends pas pourquoi Rebekah et Elijah n’ont pas cherché une façon de le calmer depuis mille ans qu’ils se le coltinent. Le syndrome de Stockholm n’excuse pas tout, et avoir les mêmes scènes déclinées à l’infini un épisode sur deux fait perdre tout l’impact de cette violence et de cette rancœur mal placée. Ce qui me mène à mon troisième point, celui qui me fait le plus grincer des dents.

Les personnages féminins sont une honte

Hayley, Davina, Camille et Rebekah sont des personnages centraux et principaux. Elles sont respectivement loup-garou, sorcière, humaine adulte avec un solide caractère et vampire millénaire. Et elles n’ont aucune maîtrise d’elles-mêmes à cause des hommes qui les entourent. Toutes sans exception sont des victimes, et aucune ne cherche à se libérer.

Je suis pas militante chez les Fémen, mais ça me ruine complètement l’expérience.

 

Ça en dit long quand Camille, l’humaine, est celle qui est la plus capable de se prendre en main. Et c’est pour ça que je serai là à la reprise en janvier. Klaus passe 8 épisodes à la manipuler, effacer ses souvenirs et la façonner à l’image qu’il veut avoir d’elle. Elle est la seule à lutter activement contre l’omnipotence de Klaus.

Hayley est la pauvre jeune fille « en cloque » (elle est traitée comme telle) qui est séquestrée pour sa propre protection. Passive mais se croyant active, elle passe son temps à se faire enlever. Elle n’est qu’un pion, alors qu’elle avait été plutôt bien écrite dans The vampire diaries en évitant les pires écueils du type de personnage qu’elle devait être.

Davina est dans la même situation : sauvée de sa famille par Marcel, puis séquestrée pour sa protection, manipulée par Elijah et Marcel… Elle est surpuissante, mais ne fait rien de ses pouvoirs à part attendre qu’ils s’en aillent. Elle pourrait tuer tous les vampires, se défendre seule avec sa magie, mais non. Elle ne bouge pas — avant l’épisode 9.

Quant à Rebekah… Elle qui était un personnage tragique dans The vampire diaries, elle est devenue tout simplement ridicule et ça me rend triste. Elle est puissante, forte, et a un caractère important. Elle pourrait diriger le monde, mais elle passe son temps dans la peur de son frère, incapable de lui tenir tête, respectant chacune de ses commandes en fonction de ce qu’il lui sied. Klaus la manipule pour lui interdire une relation avec Marcel depuis 200 ans, puis il la prostitue presque auprès de lui pour parvenir à ses fins, et… ça ne dérange personne.

Le dernier épisode en date me donne de l’espoir, mais en attendant je ne comprends pas qu’une femme qui dirige sa série soit incapable d’exiger des personnages féminins qui ne sont pas des pimbêches ou des pions, qui aient leurs motivations. Hayley sait que Klaus veut la tuer une fois qu’elle aura mis son enfant au monde, mais elle ne réfléchit pas à une solution de secours, se reposant uniquement sur Elijah (dans une version des Frères Scott vampirisée et un peu douteuse).

La série ne sait pas ce qu’elle veut raconter

The Originals n’a pas d’histoire. La série n’est qu’un prétexte pour voir Klaus hurler sur ses frères et sœurs, être jaloux, et se comporter comme un salopard.

En 10 épisodes (je compte le back-door pilot), on nous a dit que Klaus venait à la Nouvelle-Orléans car on complotait contre lui. En fait non, des sorcières l’ont manipulé pour qu’il tue à leur place son ancien protégé Marcel qui les empêche de faire de la magie. En fait, non, il veut asservir Marcel (l’ex esclave, super classe, Klaus) et lui reprendre son royaume (la Nouvelle Orléans, quel royaume). En fait non, il veut la loyauté et l’amour. En fait…

En 10 épisodes, on nous a introduit une flopée de personnages. Des sorcières qui veulent apaiser leurs ancêtres en massacrant leurs filles virginales qui ressusciteront (ou pas) plusieurs mois plus tard. Des vampires qui veulent être aimés par Marcel et sont prêts à tout pour lui (complexe d’Œdipe bonjour). Des gamines surpuissantes qui peuvent perdre leur magie à tout moment. Et les seuls survivants de la famille Michaelson : Rebekah et Elijah qui sont une pub sur les effets dévastateurs du syndrome de Stockholm. Au milieu de tout ça, Hayley se fait enlever, sert de monnaie d’échange, est sauvée par Elijah encore, et encore, et encore, tout en cherchant d’où elle vient et qui sont ses parents.

Je suis incapable, au bout de dix épisodes, d’évoquer une mythologie propre à la série. Ou une « affaire de la semaine ». Même les sorcières, qui devaient être importantes, ont disparu très vite. The Originals est un soap qui a été vendu comme une série sur les valeurs familiales et l’incompréhension — des thèmes très adolescents finalement.

Et là encore, c’est dommage. The Originals aurait pu être n’importe quoi. Klaus et sa famille ont mille ans d’histoire, de rancœur qui leur sont propres, et d’ennemis accumulés à travers les époques. Une histoire de rédemption aurait pu être fondée sur bien d’autres raisons (surtout que les scénaristes refusent catégoriquement de fermer la porte sur une relation Caroline/Klaus) beaucoup plus intéressantes avec un vrai message, un peu à l’image du traitement auquel Katherine a droit en saison 5 de The vampire diaries. Mais apparemment, Julie Plec et compagnie ont fait le choix du faussement spectaculaire, et ça fonctionne parce que The vampire diaries s’essouffle et a perdu en qualité. Par comparaison, The Originals paraît plus frais et suscite l’indulgence plus facilement.

Si vous ne voulez pas réfléchir, que vous aimez les soaps pseudo-historiques, The Originals est fait pour vous (et il n’y a rien de mal à ça, entendons-nous bien). Moi, je vais rester en janvier en espérant que l’amorce de prise de pouvoir de Camille et Davina aboutisse à quelque chose qui en vaille la peine. Peut-être même que Klaus arrêtera de hurler à tout va.

Oui. L’espoir fait vivre.

Crédits: CW

Retrouvez Il était une fois Julie et la CW (1/3): Rise and fall de The Vampire Diaries