Il était une fois…Urgences, la mort de Mark Greene (Episode 1): La ceinture d’Orion
En fin de saison 7, Anthony Edwards décide qu’il est temps de plier bagage et de quitter Urgences. Et ce n’est pas le seul, Eriq La Salle, interprète du Dr Benton veut partir aussi. Les scénaristes se retrouvent face au challenge de réussir en une saison le départ de deux de leurs personnages les plus emblématiques de la série et de préparer les saisons à venir. Et c’est ce à quoi va servir la saison 8. L’excuse pour tuer le Dr Greene, le personnage d’Edwards, est toute trouvée: on va faire réapparaître sa tumeur au cerveau et la rendre inopérable. Et puis aussi lui remettre dans les pattes son adolescente en pleine crise. L’année va donc être mouvementée pour Greene. Oui, mais pas seulement. Les scénaristes décident de jouer les longueurs avec cette mort et en profitent pour donner à Edwards l’une des plus belles partitions de sa carrière. Retour en trois temps sur cet événement qui a marqué la série. Et on commence avec l’épisode « La ceinture d’Orion ».
Retrouvez Invitation au voyage…dans le générique de Urgences
La trame scénaristique de la mort de Greene commence bien avant la disparition réelle du personnage, dans l’épisode 18, appelé “La ceinture d’Orion”. Et ça commence tout simplement, par un plan sur Greene qui fait des paniers de basket dans la cour des ambulances, sur une petite musique mélancolique et douce. Ça pourrait être le début de n’importe quel épisode d’Urgences. Et pourtant…
La ceinture d’Orion va observer comment Greene commence à percevoir les limites de sa maladie, de son corps et de ses capacités. Tout au long de l’épisode, il va être mis en difficulté dès qu’il pratique effectivement la médecine, particulièrement en salle de trauma, jusqu’à comprendre qu’il ne peut plus continuer à exercer. Et ça ne lui plait pas. Comme ce fils qui refuse de laisser sa mère mourir alors même qu’elle a signé une demande pour ne pas être récussitée, Greene peine à laisser partir les urgences, son travail, sa vie presque. Il refuse de voir la maladie prendre le dessus et se laisse happer par les urgences alors même qu’il est en séance de chimio. Et ce n’est pas la première fois. Il en vient même à être littéralement attaché au lit d’un patient via sa perfusion.
Et c’est curieux, car son entrevue exceptionnelle avec son ex-femme, jeu d’adieux cachés, montre qu’il a déjà bien entamé le processus d’acceptation de sa mort prochaine, au niveau personnel. Mais il ne conçoit pas encore sa disparition du service.
Progressivement, il va être contraint d’y faire face et de l’accepter jusqu’à arriver à une nouvelle conclusion. En voyant s’en aller la patiente qui doit mourir, en constatant aussi qu’aussi longtemps qu’il sera à l’hôpital, il sera toujours rappelé par les urgences, il prend la décision de tout arrêter, et de profiter du temps qu’il lui reste, sans les souffrances qu’impliquent la fin de vie à l’hôpital.
“I want to be dying the way I lived”
(“ Je veux mourir comme j’ai vécu.”)
Et une fois la décision prise, l’épisode se charge de nous la faire comprendre en la répétant. C’est au tour du second « patient miroir » d’apparaître. Petite précision au passage: je propose ici d’utiliser le nom de “patient miroir” pour décrire l’artifice scénaristique consistant à fourrer dans les pattes d’un médecin un patient qui est censé soit lui faire comprendre son propre problème en le copiant sous une forme dérivée, soit reproduire ce problème de manière à renforcer son impact et sa compréhension sur le spectateur. Ici, le second patient miroir est un sdf diabétique habitué des urgences qui force Greene à interrompre sa chimio. C’est à lui qu’il est lilittéralement attaché à un moment. Mais ce patient refuse d’être hospitalisé, et confie à Greene:
“ Whatever is going to happen now, I want it outside”
(“ Peu importe ce qui se passe à partir de maintenant, je veux que ça se passe en dehors [de l’hôpital]”.)
Et en cela il vient renforcer auprès du public cette idée qu’il est temps pour Greene de quitter les urgences, et d’aller vivre le reste de sa vie en dehors de l’hôpital.
Le dernier patient miroir est un homme à qui il doit annoncer que lui aussi va bientôt mourir, d’un cancer lui aussi, sans l’effrayer. L’acceptation est bien là.
Alors Greene soigne une dernière patiente, une petite fille qui lui raconte la légende d’Orion, qui, pour échapper au scorpion, décide de plonger dans la mer. Il fait un dernier tour des urgences. Son regard s’arrête sur les uns et les autres, comme un adieu, comme pour les emporter avec lui. La musique est revenue, désormais appaisée et tendre. Dans la cour, il saisit le ballon de basket, hésite à faire un panier et se retourne vers Carter “You set the tone, Carter” “Tu marque le ton, Carter”, et lui lance le ballon. Le relai est passé, bien malgré Carter.
Alors pourquoi cet épisode est-il si important?
Tout d’abord parce qu’il est le dernier en tant que soignant de Greene. Et qu’il y montre malgré tout tout ce qui faisait de lui un bon médecin, un bon enseignant et un un bon juge de caractère.
Mais aussi car c’est l’occasion de le mettre en contact avec un nouveau personnage qui va renforcer l’équipe après son départ: Greg Pratt. Pratt est jeune, arrogant, agaçant même, persuadé qu’il sait déjà tout mieux que tout le monde. Le face à face avec Greene va lui permettre de s’apercevoir qu’il a encore beaucoup à apprendre. Et nous donne aussi une idée des dynamiques qui vont s’engager dans la série après la disparition de Greene.
Enfin car il est la première étape du passage de relais qui s’est amorcé. La phrase “You set the tone” en est le symbole. Peu s’en souviennent, mais c’est le Dr Morgenstern (William H. Macy) qui la dit à Greene dans le pilote pour lui permettre de gérer son équipe en cas de crise. En la répétant à Carter, il lui passe la main. Carter lui-même la passera à Morris alors qu’il quitte le Cook County, en saison 11. Par cette phrase, Greene quitte l’hôpital comme il l’a vécu: plein de sagesse.
La ceinture d’Orion marque donc la première étape de Greene et des spectateurs vers sa mort: l’acceptation.
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