Il faut sauver les agents du S.H.I.E.L.D
Série des plus attendues à cette rentrée 2013-2014, Marvel Agents of S.H.I.E.L.D. (MAS) déchaîne les passions. En effet la série est bien loin de ce que beaucoup espéraient : une série de Super Héros à la hauteur de Avengers. MAS est en effet un procedural d’action, situé dans le même univers que les films Marvel, mais qui lorgne plus volontiers du côté de l’Agence tout risques ou Mission Impossible. Audiences en chute libre, mécontentement des fans, faut-il sauver les Agents du SHIELD ?
Phase 1
Depuis 2008 et Iron Man, Marvel s’est lancée dans le pari de faire coexister tous les personnages dont la compagnie maîtrise la licence (ce qui exclut les X-Men aux mains de la Fox et Spider Man aux mains de Sony) dans un unique univers. Au départ à tâtons puis, depuis Thor de manière beaucoup plus construite, l’ensemble des films qui ont aboutis à Avengers est connu sous le doux sobriquet de “Phase 1”. L’entreprise folle que représentait l’idée de faire un film réunissant tous les personnages ayant eux-mêmes déjà fait l’objet d’un ou plusieurs long métrages, avec les mêmes comédiens dans leurs rôles (à l’exception de Hulk, mais l’on peut imaginer que Mark Ruffalo va durablement interpréter ce rôle désormais), s’est soldé par un succès majeur, sans doute une des plus grande réussite commerciale de l’histoire du cinéma (1,5 milliard de $ de recettes dans le monde, et c’est pas fini…). Au-delà du succès commercial, c’est aussi un réel succès d’estime parmi les fans, le film ayant globalement été très bien accueilli, y compris dans les communautés geeks, souvent plus promptes à la critique quand il s’agit de l’adaptation de leurs héros de BD favorite.
Pour résumer, Phase 1 a été globalement un succès, et on associe principalement un homme à ce succès : Joss Whedon. Script doctor et consultant depuis Thor sur l’ensemble de la franchise, il est aujourd’hui Monsieur “Marvel Universe”, et pas un projet ne passe sans qu’il ait son mot à dire. Homme de télévision, connu essentiellement pour Buffy et Angel, mais surtout parmi les geeks pour Firefly, l’homme jouissait déjà d’une aura positive (qui lui a permis de mobiliser les fans pour le film Serenity adapté de l’univers de la série Firefly), et est aujourd’hui rentré dans un club très restreint de Producteurs/Réalisateurs qui comptent.
Tout ceci pour en arriver à l’après Avengers. Fort d’un succès pratiquement sans précédent, ayant réussi un véritable tour de force dans la construction d’un unique univers à partir de plusieurs héros ayant fait l’objet d’un blockbuster (avec entre 140 et 200 millions de $ par film tout de même), tout l’enjeu est de savoir comment profiter à maxima de ce projet.
Il y a au moins deux éléments qui étaient présents très tôt : Tout d’abord une cohérence économique : Marvel, Disney et ABC Channel font partie du même groupe, ce qui ouvre de nombreuses perspectives sur plusieurs supports. Ensuite, dès le premier Iron Man, des éléments de cohérence formelle apparaissent, comme l’implication de personnages d’un film à l’autre ou encore l’utilisation systématique d’un post-générique.
Phase 2
Très rapidement après la sortie d’Avengers, et son succès massif, l’idée de poursuivre le développement de cet univers à travers une nouvelle série de films est bien entendu sur la table. Mais au-delà, c’est bel et bien l’idée d’aller encore plus loin dans le transmédia qui est la nouveauté de cette phase 2 avec un ajout majeur : la télévision. Ce qui nous amène à MAS.
Le pilote de la série, présenté au Comic Con à San Diego cette année a fait l’objet d’un chaleureux accueil, et notamment grâce à la présence de Clark Gregg, qui interprète l’agent Coulson, véritable personnage emblématique du S.H.I.E.L.D. (en sus de Nick Fury (Samuel L. Jackson), of course), il fait le lien entre l’univers des films et celui de la série. C’est d’ailleurs, tout au moins au départ, une bonne idée, puisque cela légitime un peu plus le lien étroit qui existe entre l’univers développé dans Phase 1 et la série.
Rappelons rapidement le contexte narratif de Phase 2 (c’est à dire le développement en cours de l’univers Marvel, chez Marvel) : après Avengers et la “Bataille de New-York”, le monde sait que des personnes avec des pouvoirs spéciaux existent, des aliens existent, des dieux existent. Bref, la légende est devenue réalité. Dans ce contexte, le S.H.I.E.L.D. est en gros la CIA du surnaturel.
Alors qu’est-ce que MAS ? Basiquement, c’est un procedural (entendez par là une série dans laquelle chaque épisode constitue une histoire à part entière) d’action, réunissant une équipe assez classique : l’agent de terrain beau gosse, la hackeuse mignonne, le couple de scientifiques geeko-rigolo et la pilote taciturne, auquel on ajoute Coulson qui fait un peu son show. L’action se situe évidemment à un niveau bien inférieur à celui des films, se concentrant sur des scénarios dans lesquels la présence de “Super” est quasiment nulle.
A l’inverse, de manière formelle, la série est construite à l’image du reste du Marvel Universe, avec une musique épique, une esthétique générale cohérente, et bien entendu les systématiques post-génériques. Si l’on est bien loin de la qualité générale des films, on peut tout de même dire que MAS, est un peu au Marvel Universe, ce que Stargate-SG1 a été au film Stargate. Une adaptation de l’univers avec les moyens de la télé.
Le syndrome du sauvetage avec un canot pneumatique
Alors globalement qu’est-ce qui ne fonctionne pas avec ces Agents du S.H.I.E.L.D. ?
La première réponse est assez simple : la série n’est pas Avengers : The TV Show ! Cela semble évident, mais un film ayant remporté un tel succès a nécessairement séduit très largement au-delà des communautés de fans (c’est le 3e plus gros succès du cinéma après Titanic et Avatar). Du coup tout le monde s’attendait à voir quelque chose de beaucoup plus épique que ce que le show propose. Là où les amateurs de comics pourraient être plus prompt à laisser sa chance à la série sur la durée, le public en général attend d’être capturé tout de suite dans cette histoire. Force est de constater que cela ne marche pas, la série perdant de l’audience non stop passant de 12 millions pour le pilote à 6 millions de téléspectateurs pour l’épisode 10, le dernier avant la pause de Noël.
Ensuite, le principal reproche que l’on entend sur la série est qu’il n’y a pas d’intrigue feuilletonante, que ce n’est qu’une succession d’histoires sans lien les unes avec les autres. C’est effectivement le cas, même si une telle intrigue se dessine petit à petit, mais c’est aussi le format du show : Un pur procedural. Et c’est sans doute là où justement c’est le public de fans de comics qui est le plus gêné, préférant largement du High Concept avec une seule histoire développée tout au long de la saison qu’une série d’historiettes indépendantes.
De plus, il y a le nom de Joss Whedon qui est presque plus un handicap qu’un atout pour la série. En effet, les fans de Buffy (et ils sont nombreux) et de Firefly attendaient quelque chose qui soit aussi percutant que ces deux séries. C’est oublier que Buffy a mis du temps à démarrer, que Firefly n’as même pas tenu une saison à l’antenne, et qu’enfin des séries comme Dollhouse du même Joss Whedon (et son frère) se sont révélées sur la durée. Concrètement le système Whedon (toute la famille) est une narration qui prend sont temps.
Enfin, et c’est sans doute le principal défaut de la série à ce stade, l’équipe au coeur des intrigues peine à trouver son ton et sa densité. En effet, mis à part le personnage de Coulson, tout les autres personnages peinent à sortir de l’archétype qu’ils sont censés incarner. Si une vision archetypale du personnage est utile, voire essentielle, au départ, il faut rapidement en sortir et donner une personnalité singulière au personnage. C’est ce que l’équipe de MAS a du mal à réussir, à part peut-être le personnage interprété par Ming-Na Wen (Agent May), et c’est sans doute le principale défi que le show aura à relever dans sa deuxième partie de saison.
Mais alors pourquoi continuer à regarder Marvel Agents of S.H.I.E.L.D. ?
Tout d’abord parce que l’entreprise transmédia (en simultané) est assez unique en son genre. On avait déjà un peu connu cela avec X-Files, le film étant situé en fin de saison 5 et intégré dans l’intrigue de la série, mais pas à un tel niveau. En effet, dans le développement du Marvel Universe, MAS se place un peu comme certaines web séries sur des shows qui ont fonctionné. La série apporte un regard supplémentaire à l’univers, le regard de la rue, et permet d’aborder les conséquences des événements épiques des films Marvel (qui dans ce contexte seraient au niveau d’une série, et Avengers, le film, vous suivez ?…).
Ensuite parce que, au fil des premiers épisodes, il y a un réel progrès dans la série. Celle-ci se détache de l’intrigue Avengers pour constituer son propre univers. les ingrédients sont là, encore embryonnaires, mais ils sont là : une organisation de méchants, un mystère autour du personnage de Coulson, un mystère autour du personnage de Sky, et l’agent May qui prend de l’épaisseur. C’est encore insuffisant, mais le coup de semonce des audiences pourrait booster ce développement.
Enfin parce que si la série est estampillée Joss Whedon, c’est surtout son frère Jed Whedon et l’épouse de celui-ci Maurissa Tancharoen, qui sont aux commandes. Ces deux là ont une unique expérience précédente en télévision, en l’occurence Dollhouse qui a mis pratiquement 10 épisodes avant de trouver son ton.
Avec une saison complète signée dès le départ MAS a encore le temps de redresser la barre, et les sorties des films Marvel à venir devraient permettre de maintenir un capital d’intérêt minimum, mais force est de constater que ce n’est pas gagné pour la série, et qu’il y a réellement un gros travail à accomplir pour reconquérir une audience. ABC a déjà maintenu des séries avec des audiences faibles (comme Nashville, moins de 6 millions par episodes sur pratiquement toute la saison 1), et la bonne pénétration de MAS sur la cible critique des 18-49 lui donne un peu de temps. Mais combien ?
Crédits: © Marvel Television/ ABC/ Disney
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