Si l’on se réfère à la définition communément admise, le générique d’une série télé est tout simplement la partie où l’on indique le titre, les noms des acteurs et des divers collaborateurs. Bref, un simple objet technique destiné à aligner une série de noms et pourtant… Pourtant ils sont bien plus que ça, particulièrement dans les séries télés dont ils font sans aucun doute partie intégrante. Ils sont la “page de présentation de la série”, une sorte de concentré de celle-ci et de son ambiance. Mais ils sont aussi bien souvent des objets d’art et parfois même des objets cultes pour les fans. On termine notre voyage dans l’espace avec l’ultime saison de Babylon 5.

De 1993 à 1998, une des grandes sagas de science-fiction de la télévision nous offrait une épopée sans équivalence encore aujourd’hui. En effet, J. Michael Straczynski, auteur et showrunner, propose une histoire de 5 ans, 5 saisons, 5 chapitres qui constituent un tout, pensé dès le départ comme tel. De son propre aveu, chaque générique doit donner le ton de la saison qu’il couvre, et, dès lors, il change à chaque saison.

Kosh : “C’est ainsi que cela a commencé”

Assassin Minbari : “Il y a un trou dans votre raisonnement”

Cdt. Sinclair ; “Qu’est-ce que vous voulez ?”

G’Kar : “Les gens d’ici ne se montrent pas sous leur vrai visage”

Cdt. Sinclair : “Désormais plus rien n’est pareil”

Général Hague : “Le Commandant Sinclair a été muté”

Londo Mollari : “Pourquoi vous n’éliminez pas tous les Narns pendant que vous y êtes”

Elric : “Je vois une main s’élever au milieu des étoiles”

Sebastian : “Qui êtes-vous ?”

Reporter ISN : “Le Président Clark a signé aujourd’hui le décret proclamant la loi martiale”

Sheridan : “Ces ordres nous ont contraint à déclarer notre indépendance”

Bester : “Armes, munitions”

Sheridan : “Maintenant vous allez vous remuer les fesses et faire quelque chose !”

Zathras : “Vous êtes celui qui a été”

Kosh : “Si vous allez à Z’Ha’Dum vous mourrez

Lorien : “Pourquoi êtes vous ici, votre vie vaut-elle la peine d’être vécue ?”

Delenn : “Je pense à ma belle cité en flammes”

Sheridan : “Vous n’êtes pas à votre place, fichez le camp de notre galaxie !”

Sheridan : “Nous sommes ici pour arrêter le Président Clark”

Prologue

La cinquième saison de Babylon 5 n’aurait pas du voir le jour. Tout du moins c’est ce que pensaient J. Michael Straczynski et la production du show alors qu’ils tournaient la quatrième. C’est à tel point qu’un épisode final avait été écrit et tourné pour conclure la fresque spatiale. Pourtant, contre toute attente, une cinquième saison pu voir le jour, et il a fallu à J. Michael Straczynski tout son talent de conteur pour raccrocher les wagons, avec plus ou moins de succès. Plutôt “plus” que “moins” tout de même…

N’allant pas retourner et réécrire l’intégralité de la quatrième saison, cette 5e année de Babylon 5 débute en ayant bouclé pratiquement toutes les intrigues ouvertes depuis le début de la série. Il reste un arc majeur encore ouvert, et ce sera bien entendu un des axes principaux de cette saison: La Guerre des Télépathes. A l’inverse, le chemin parcouru depuis le début et la richesse de l’histoire développée, permet à Straczynski de développer un arc nouveau de son histoire : “l’après” ou comment la galaxie se réorganise après les événements des 4 dernières années.

Enfin un élément de poids vient modifier la donne : Claudia Christian quitte le show, laissant vacante la place de Commandant de la Station. Dès lors il faut introduire un nouveau personnage. Ce sera Tracy Scoggins qui interprétera le rôle du Capitaine Lockley. Là encore Straczynski fait de cette contrainte un atout : la nouvelle distribution des rôles permettra de développer la question de la pratique du pouvoir. Sheridan, qui était le rebelle romantique, doit endosser le costume du Président responsable.

Avec tout ces éléments majeurs, l’ultime saison de la série est tout de même un peu en dessous des autres. En fait, c’est pratiquement une saison 1 “bis”, elle ouvre des nouvelles intrigues sans réellement avoir le temps de les développer. Elle reste néanmoins de tres belle facture et nous offre certains épisodes parmi les plus remarquables du show. Du coup ce générique de Babylon 5 sonne un peu comme un souffle de fin. Une expiration des derniers morceaux de cette histoire, tout en rappelant des éléments majeurs qui ont conduit jusque là. Comme de coutume, cette ultime saison est un chapitre intitulé : “La Roue du Feu”.

Ouverture

Comme de coutume, le générique débute sur une séquence parlée. Ici il s’agira de répliques issues des précédents épisodes et qui marquent toutes un élément important de l’épopée. Cette partie constitue un “résumé des épisodes précédents” de la plupart des grands arcs narratifs.

Le générique s’ouvre sur la mention de la première année de Babylon 5 : 2258. Procédé identique pour chaque année dans ce générique : L’année en 3D derrière laquelle une image apparaît. Ici c’est une vue de l’espace de la station.

Kosh : “C’est ainsi que cela a commencé”

Kosh est un personnage unique, qui pourtant (dans sa version originale) a disparu au milieu de la saison 3. Néanmoins il est l’une des expressions les plus parlante des inspirations du show. Et parmi elle, celle qui sans doute correspond le mieux à ce personnage, est l’image de Merlin l’enchanteur. Il est celui qui voit l’avenir. C’est un peu le sens de cette réplique : Kosh est le guide invisible qui a conduit au déclenchement des événements majeurs de la Guerre contre les Ombres. Il était celui qui “sait”. Vorlonus Sapiens !

La séquence suivante est un plan de la “Bataille de la ligne” (ultime bataille de la guerre contre les Minbaris).

Assassin Minbari : “Il y a un trou dans votre raisonnement”

Rappel ici d’un des premiers grands arcs : l’amnésie de Sinclair sur les événements de la Bataille de la Ligne, lorsqu’il a été enlevé par les Minbaris et que cet événement a permit la fin du conflit. Cet arc sera en grande partie celui de la première saison, et se poursuivra notamment dans le triple épisode sur Babylon 4, sans doute un des meilleurs de la série !

Séquence de festin dans laquelle on voit Mollari s’écrouler sur une table.

Cdt. Sinclair ; “Qu’est-ce que vous voulez ?”

Cette unique réplique résume à moitié la Guerre contre les Ombres. Au coeur du conflit majeur qui secouera la galaxie, il y a la lutte de l’ordre contre le chaos. L’ordre étant représenté par les Vorlons, et le chaos par les Ombres. Ces dernières défendent l’idée de l’évolution brutale : la survie du plus fort. Et la question que posent toujours les Ombres est : “Qu’est-ce que vous voulez?”.

La réplique suivante est entendue sur trois séquences : Bester en train de tirer, la Grande Machine de la planète voisine et des Narns en rituel qui indiquent qui parle.

G’Kar : “Les gens d’ici ne se montrent pas sous leur vrai visage”

Cet réplique arrive très tôt dans la série. G’Kar est un personnage à l’évolution remarquable. Il apparaît au départ comme le personnage négatif de l’histoire, pour petit à petit prendre un réel statut de héros, et finir dans la peau du sage. Cette réplique de sagesse nous montre que, dès le départ, il y avait cette idée pour lui. Enfin, sur le fond, c’est aussi une des grandes réussites de Babylon 5 : nous raconter de multiples couches d’intrigues, avec des personnages aux multiples visages, dans une réelle cohérence de scénario.

Fin de l’année 2258, apparaît l’année 2259. Sur la seconde réplique on voit Delenn lorsqu’elle révèle sa nouvelle physionomie. La transformation de Delenn est bien entendu étroitement liée au destin de Sinclair.

Cdt. Sinclair : “Désormais plus rien n’est pareil”

Général Hague : “Le Commandant Sinclair a été muté”

Le personnage de Sinclair est un cas particulier. Dans le 1er volet de cette série d’articles, le jeu très “moyen” de Michael O’Hare dans le rôle a été évoqué, et le personnage ne semble pas avoir la dimension pour les événements qui doivent se dérouler dans les saisons successives à son départ. Pourtant, l’arc narratif qui lui est consacré dans les épisodes 16 et 17 de la saison 3 est proprement époustouflant. Pour quiconque avait suivi le show depuis le début, c’est un sublime twist qui nous est offert grâce à Sinclair. Cette réplique fait référence au moment où Sinclair apprendra ce qui lui est arrivé lors de la “Bataille de la ligne”. Néanmoins c’est aussi le point de départ du destin qui l’attend. La réplique du Général Hague, marque tout simplement la deuxième vie de ce personnage : de rôle principal, il devient un personnage iconique, élément à part entière de l’intrigue.

Les trois séquences qui suivent sont une parfaite illustration des deux répliques que l’on entend : le visage de M. Morden et des armes de destruction massive qui ont bombardé Narn par la faute de Mollari et sous ses yeux. Et enfin une Ombre.

Londo Mollari : “Pourquoi vous n’éliminez pas tous les Narns pendant que vous y êtes”

Elric : “Je vois une main s’élever au milieu des étoiles”

Londo Mollari est un personnage truculent, haut en couleurs, mais qui a aussi une destinée tragique. Ces deux répliques se font écho. La première est tirée d’une conversation entre Mollari et M. Morden, l’émissaire des Ombres. La réponse de ce dernier à la question posée par Mollari est “Une chose à la fois, Ambassadeur, une chose à la fois”. A cela résume parfaitement le personnage et son destin. Autodestructeur, insouciant, il manipule des forces qui le dépassent et devra en payer le prix. C’est également le sens de la phrase d’Elric, le techno-mage. La main est celle de Mollari, et elle est responsable de millions de morts. Enfin les techno-mages sont assez peu développés dans Babylon 5, mais ils sont au cœur du spinoff : l’ultime Croisade

2260, une image du cliffhanger de la saison précédente : le Sauvetage de Sheridan. Il n’est bien sûr pas innocent que ce soit la question des Vorlons que l’on entende sur cette séquence.

Sebastian : “Qui êtes-vous ?”

Nous avions la question des Ombres, et voici celle des Vorlons ! Bien entendu, comme celle des Ombres, elle est le symbole de la philosophie qui affronte le chaos : l’ordre. Ce qui est intéressant c’est le personnage qui la prononce : M. Sebastian. L’épisode qui lui est consacré fait également partie des tres grands épisodes de la série. Straczynski démontre une fois de plus sa capacité à utiliser l’imaginaire collectif au profit de son épopée de SF. C’est également une indication pour la suite : les Vorlons ne sont pas nécessairement aussi bienveillant qu’ils n’en ont l’air.

Sur la séquence suivante on voit deux vaisseaux des ombres en vol.

Reporter ISN : “Le Président Clark a signé aujourd’hui le décret proclamant la loi martiale”

L’information contenue dans cette réplique est bien évidemment au cœur d’un des arcs majeurs de l’histoire. Mais au delà, l’association image/texte renvoie à l’influence des Ombres sur cette partie de l’intrigue. La volonté de construire une oeuvre dans laquelle tous les éléments sont interdépendants et bien là. Néanmoins, l’arc sur Clark et la situation de la terre permet de montrer une autre facette de la guerre : la résistance et la victoire de celle-ci.

Sur la séquence suivante on voit deux Starfury (vaisseaux de la Terre) se faire tirer dessus par un canon en provenance de la Station. C’est l’expression de l’arc autours de la résistance, et surtout de la guerre civile. Ce sont ses propres compatriotes avec lesquels on se bat. Cette question, et ses conséquences, sont au cœur de cette partie de l’histoire.

Sheridan : “Ces ordres nous ont contraint à déclarer notre indépendance”

Le personnage de John Sheridan est sans doute parmi les grandes réussites du show. De bon soldat, discipliné, aux ordres, il deviendra le leader charismatique qui redéfinira les règles des relations inter-galactiques. Du point de vue de l’écriture, c’est avec ce personnage que Straczynski développera le plus de facettes de leader. Il sera tour a tour général, chef résistant, messie, martyr, ou encore chef d’état.

Images des sarcophages dans lesquels les Ombres ont “stocké” des télépathes destiné à servir de “moteurs” à leurs vaisseaux.

Bester : “Armes, munitions”

Alfred Bester… Voilà encore un beau personnage. En ayant engagé Walter Koenig pour ce rôle, Straczynski fait un joli coup avec un acteur emblématique du cast original de Star Trek. Le nom du personnage est intéressant : Il s’agit du nom d’un auteur de Science-fiction (1913-1987) qui a écrit, notamment, l’homme démoli qui parle d’une société dans laquelle existent des télépathes. Digression mis à part, Bester ne pouvait pas être absent de ce générique somme, mais, étant au coeur de l’intrigue de cette saison, sa présence reste discrète. Elle insiste néanmoins sur la motivation principale, presque unique, du personnage, et qui est la protection et éventuelle domination de son espèce qu’il considère comme supérieure.

Séquence de combat dans laquelle des Narns défendent la Station contre une attaque de la Terre.

Sheridan : “Maintenant vous allez vous remuer les fesses et faire quelque chose !”

Cette réplique est issue d’un dialogue entre Kosh et Sheridan. Mis à par l’expression du caractère de Sheridan, elle exprime à la fois le comportement des Vorlons vis à vis des Ombres, mais aussi le moment où Sheridan est devenu réellement le leader qui conduira l’humanité vers son troisième âge.

Séquence sur Sinclair en costume d’Anla-Shok, suivi de la séquence durant laquelle Sheridan détruira la capitale des ombres et plongera dans les abysses de celle-ci.

Zathras : “Vous êtes celui qui a été”

Kosh : “Si vous allez à Z’Ha’Dum vous mourrez

Certes ces deux répliques font référence à des événements majeur de l’histoire. Mais plus encore elles sont la marque d’une des grandes qualités du show : Faire vivre au spectateur la légende. Et particulièrement ici, on retrouvera une des références majeur de Straczynski : L’oeuvre de J.R.R. Tolkien. La phrase de Zathras se réfère à l’unique, le nom de la planète des Ombres est Z’Ha’Dum, qui évoque Khazad Dum, le nom nain de la Moria. Et cela continue dans la réplique suivante.

Séquence montrant Sheridan suspendu devant une forme d’énergie. Il est entre tic et tac entre vie et mort, suivie d’un plan montrant l’assassinat de l’empereur Carthagia.

Lorien : “Pourquoi êtes vous ici, votre vie vaut-elle la peine d’être vécue ?”

L’épisode de Sheridan à Z’Ha’Dum n’est pas sans évoquer un épisode du Seigneur des Anneaux, le combat de Gandalf contre le Balrog à Khazad Dum. Il en reviendra Gandalf le Blanc, et Sheridan en reviendra messie du nouvel univers. A ses côté il aura un être venu du fond des temps, Lorien. Chez Tolkien, Lorien est le nom d’une des plus grande cité des elfes. Celle où règne Galadriel.

Séquence illustrative dans laquelle on voit Minbar, capitale des Minbari.

Delenn : “Je pense à ma belle cité en flammes”

Voilà enfin l’autre personnage presque “mythologique” de la série. Le seul qui changera physiquement durant le show, mais surtout un des rares à être là du premier au dernier épisode. Delenn, c’est une image de femme puissante, mystique et politique. Chef spirituel et chef de guerre, elle permettra avec Sheridan un artifice de série que l’on ne voit pas souvent dans de la Science-fiction : un bon vieux “will they, won’t they”.

Images du destructeur de planète des Ombres, puis d’une attaque contre une base Vorlon par un vaisseau White Star.

Sheridan : “Vous n’êtes pas à votre place, fichez le camp de notre galaxie !”

Phrase de conclusion, ou presque, du conflit galactique majeur entre Ombres et Vorlons, qui aura trouvé sa conclusion en saison 4. C’est cette conclusion qui explique la phrase “C’était l’aube du 3e age de l’humanité” que l’on entend depuis le générique de la première saison. C’est cette étonnante capacité à fabriquer une histoire épique avec, finalement, assez peu de moyens.

Séquence sur le vaisseau de la Terre “Agamemnon”, traversant un rideau de flammes.

Sheridan : “Nous sommes ici pour arrêter le Président Clark”

Autre grande conclusion de la saison 4 : le conflit civil avec la Terre. Là encore, le spectateur a pu assister à une histoire de prise de pouvoir, mise en place d’une dictature, organisation d’une résistance, puis renversement de la dite dictature, le tout sur une demi douzaine de planètes, avec les moyens de la télévision et en 4 saisons. Pas mal tout de même !

Pendant toute cette séquence, la musique est crescendo, arrivant a un climax au moment de la dernière réplique et lançant un thème différent, beaucoup plus rythmé. Le générique se poursuit avec les différents acteurs de la série. Tracy Scoggins fait ton apparition. Entre chaque présentation un plan d’illustration, généralement énergique. Le générique se conclut sur le nouveau logo de Babylon 5 : une épée sur un bouclier, et surtout le nom de la vraie star du show: J. Michael Straczynski.

Epilogue

Babylon 5 est, encore aujourd’hui, l’histoire de science-fiction la mieux écrite, la plus tenue que l’on ai eu l’occasion de voir à la télévision. Dans cette cinquième et ultime saison, on subit un peu les aléas de la programmation audiovisuelle, une potentielle annulation conduisant à une ré-écriture, suivie d’un renouvellement de dernière minute, suivit également d’une ré-écriture.

Mais globalement, ce générique ultime, somme de tout ce qui a été construit depuis la saison 1 démontre à quel point le projet est cohérent. En moins d’une minute nous assistons au résumé de cette épopée galactique, qui pourtant ne manque pas de complexité.

Au fil de 5 saison, le projet Babylon 5 aura su se montrer singulier, jusque dans ses génériques.