Si l’on se réfère à la définition communément admise, le générique d’une série télé est tout simplement la partie où l’on indique le titre, les noms des acteurs et des divers collaborateurs. Bref, un simple objet technique destiné à aligner une série de noms et pourtant… Pourtant ils sont bien plus que ça, particulièrement dans les séries télés dont ils font sans aucun doute partie intégrante. Ils sont la “page de présentation de la série”, une sorte de concentré de celle-ci et de son ambiance. Mais ils sont aussi bien souvent des objets d’art et parfois même des objets cultes pour les fans. A l’occasion des 10 ans de la série sur ABC, nous revenons aujourd’hui sur le générique de Lost.

15 Seconds

15 secondes, un fond noir, une animation 3D basique sur le mot “Lost”, et un son discordant. C’est tout. Pourtant cette séquence plutôt basique a ouvert les 121 épisodes d’un show qui est à la fois un énorme succès publique et une entreprise audiovisuelle des plus ambitieuse. Dès lors que dire? Commençons par l’histoire. Selon J.J. Abrams, ce générique est au départ une blague ! Le pilote était en train d’être terminé, J.J. Abrams était en salle de montage, et a fabriqué cette petite séquence avec son MacBook. Selon lui ils avaient besoin d’une séquence pour montrer le pilote aux exécutifs d’ABC, mais cette séquence particulière devait être provisoire (voir vidéo ci-dessous):

Provisoire ? Pas si sûr ! En effet, lorsque l’on lit le script de cet épisode pilote, force est de constater que la séquence telle que chacun la connais aujourd’hui était déjà là dès l’écriture :

OVER BLACKNESS, MUSIC. OMINOUS AND FOREBODING. THEN, OUT OF

THE DARKNESS, A SINGLE WORD. FLOATING IN SPACE, OUT OF

FOCUS, TOWARD CAMERA. AS IT APPROACHES IT COMES INTO FOCUS,

BUT IT’S SHARP ONLY FOR A BRIEF MOMENT:

LOST

AS IT NEARS US IT AGAIN LOSES FOCUS — AND AS WE MOVE THROUGH

THE « O » OUR MUSIC CRESCENDOS, THEN STOPS ABRUPTLY AS WE CUT

TO:

Traduction :

“Sur un fond noir, de la musique. Sinistre et pleine d’appréhension. Puis, sortant des ténèbres, un seul mot. Flottant dans l’espace, trouble, allant vers la caméra. Alors qu’il s’approche il devient clair, mais seulement pour un court instant :

Lost

Alors qu’il se rapproche, il se trouble à nouveau — Et pendant que l’on va vers le “O” la musique est crescendo, et s’arrête brusquement alors que l’on coupe vers:” (Script du Pilote)

Les légères différences entre la séquence décrite dans ce script et celle qui accompagne les épisodes tend à montrer que si la séquence vidéo est effectivement une conception en dernière minute de l’ami J.J., l’idée, elle, était bien là depuis le début. Et finalement, à plus d’un titre, ce n’est pas étonnant. Rappelons rapidement les circonstances de la naissance de “Lost”.

Alors qu’il est en vacances à Hawaï, Lloyd Braun, alors patron des dramas pour ABC a cette idée de série : Faire un “Seul au monde” la série, avec un soupçon de “Survivor”, et du “Seigneur des mouches”. En gros, des mecs coincés sur une île qui essaient de survivre et de reconstruire une société. L’idée fait son chemin et un premier script est commandé à Jeffrey Lieber, qui accouchera d’un “Nowhere”, qui déplaira profondément à Braun. Dès lors ce dernier se tourne vers J.J. Abrams, dont la série “Alias” est alors à l’antenne sur ABC. Ce dernier accepte a condition d’avoir un co-créateur. Ce sera la rencontre avec Damon Lindelof, dont les deux hommes tendent à dire que c’est un genre de coup de foudre. En cinq jours ces derniers accouchent du script du pilote. Ce dernier coûtera 13’000’000 $ et la place de Lloyd Braun. Ce dernier accompagnera néanmoins le show jusqu’à la fin puisque c’est sa voix qui dit “Previously on lost”.

The twilight zone

Mais revenons au générique. Tout d’abord, il est important de noter le moment où le générique intervient. Dans sa structure de base, un épisode de Lost commence par une séquence “précédemment dans…” qui résume les événements passés, mais aussi, et peut-être surtout, met en lumière les éléments de l’histoire et les personnages qui seront importants pour l’épisode.

C’est d’autant plus vrai, que Damon Lindelof dira lui-même qu’une grande partie de l’histoire de Lost aurait été conçue très tôt et sur le long terme, en s’inspirant du travail de J. Michael Straczynski pour Babylon 5.

Donc notre séquence de 15 secondes est en fait une transition. On se remet dans l’histoire, qui est assez complexe, et le générique indique le moment où cette histoire reprend.

Ensuite, sur la structure du générique, il faut sans doute également rappeler que J.J. Abrams n’est pas étranger aux génériques à la fois un peu simple, voire légèrement “Old School”. Il n’y a qu’à voir pour cela le générique d’Alias

Et enfin, il faut également rappeler un élément de base de Lost, un élément qu’a imposé J.J. Abrams lorsqu’il a accepté le projet : Il doit y avoir du surnaturel dans cette série.
Dès lors, en partant du projet initial “Nowhere”, et en arrivant à “Lost”, il y a un monde. Fort de leur référence, on ne peut que supposer, mais sans prendre de gros riques, que l’inspiration de J.J. Abrams pour les 15 secondes d’ouverture de Lost est sans doute à chercher du côté de Rod Sterling et de “The Twilight Zone”

Crédits: ABC