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Justified, saison 5 : even cowboys get the blues

Justified, saison 5 : even cowboys get the blues
Fanny Lombard Allegra

Alors que Justified vient de s’achever aux Etats-Unis au terme de sa sixième saison, M6 va obliger les fans à veiller jusque tard dans la nuit pour la diffusion de la saison 5, qui marque un tournant et fait office de transition en préparant l’affrontement final entre le marshal et son ennemi juré Boyd Crowder. Avant une conclusion qu’on vous promet à la hauteur.

Pour rappel, Justified raconte les aventures du marshal Raylan Givens (Timothy Olyphant), un franc-tireur réfractaire à l’autorité, Stetson sur la tête et bottes de cow-boy aux pieds. Muté dans sa ville natale de Harlan, dans un Kentucky qu’il n’a cessé de vouloir quitter, il y traque les petits criminels locaux avec lesquels il a grandi et en particulier Boyd Crowder (impeccable Walton Goggins), malfrat et chef de bande impliqué dans toutes sortes de trafics.

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Cliffhangers obligent, la fin de la saison 4 avait abandonné nos héros dans des situations critiques. Ava (Joelle Carter) est incarcérée pour meurtre dans une prison où, piégée entre les différents clans de prisonnières, menacée par ses codétenues et harcelée par un gardien, elle doit se compromettre pour sauver sa peau. De son côté, Boyd multiplie en vain les tentatives – légales ou non – pour la faire libérer ; à défaut, il essaye de lui acheter une protection en prison et se met en cheville avec la mafia de Détroit et les cartels mexicains pour réunir l’argent nécessaire en se lançant dans le trafic de drogue.  Pour Raylan, les choses ne vont guère mieux : son ex-femme est partie vivre en Floride avec leur bébé ; son supérieur le soupçonne à juste titre de s’être allié avec un parrain de la mafia afin d’éliminer un de leurs tueurs à gages qui menaçait directement sa famille ; Dewey Crow, qu’il avait fini par mettre sous les verrous, est libéré ; et il est toujours en froid avec son père, emprisonné après avoir endossé la responsabilité d’un meurtre commis par Boyd. Comme si cela ne suffisait pas, voilà que les cousins  de cet abruti de Dewey débarquent à Harlan, bien décidés à imposer leur loi…

Comme toujours dans Justified, nous retrouvons donc des personnages récurrents auxquels viennent se mêler de nouveaux protagonistes. Autour de Boyd et Raylan gravitent les habituels Wynn Duffy (Jere Burns  est excellent), Art Mullen, Ellstin Limehouse, Harlan Givens, Dewey Crowe, la Dixie mafia… Du côté des nouveaux personnages, la série recourt à un expédient qui lui a déjà réussi par le passé en introduisant une famille de criminels, cette fois-ci tout droit débarquée de Miami. Emmenés par Daryl Crowe (Michael Rapaport), les cousins de Dewey viennent voir si l’herbe est plus verte à Harlan, et s’il y a moyen de s’y implanter et d’y faire fortune à coup de racket, prostitution et petits trafics. Leurs ambitions se heurtent aux réticences de Dewey, à l’opiniâtreté d’un Raylan Givens déterminé à les faire tomber, mais aussi à la mainmise de Boyd Crowder sur la région. Bon sang ne saurait mentir, ces brutes épaisses sont des types à peu près aussi futés que Dewey (c’est-à-dire, pas des masses) mais beaucoup plus violents et imprévisibles.

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Au fil des saisons, Justified est parvenue à faire entendre sa petite musique particulière, en jouant sur l’humour noir, en adoptant la forme d’un western policier conjuguant les codes des deux genres, et en développant sa propre mythologie. Un univers où des personnages forts évoluent dans un fragile écosystème marqué par les rivalités ancestrales, les luttes patriarcales, les tensions sociales et claniques, le déclin de l’industrie minière – avec, à la clé, le thème sous-jacent de l’impossible rédemption. Une atmosphère toujours présente, mais affaiblie par une structure dramatique moins solide. En saison 4, la série avait opté pour une construction beaucoup plus feuilletonnante (la traque du mystérieux Drew Thompson courrait sur les 13 épisodes) tout en continuant à tisser un arrière-plan autour de Boyd, Ava et Raylan, et cette saison 5 tente de resservir la même cuisine. Sauf que les ingrédients sont différents et la recette ne prend pas vraiment.

D’abord, les nouveaux antagonistes opposés à notre bon marshal sont décevants car ils n’ont pas la carrure de ceux qu’il a pu affronter par le passé. Les Crowe sont sans foi ni loi, mais Danny et Dylan sont de sombres crétins, leur sœur Wendy est intelligente mais trop fragile émotionnellement pour représenter un danger crédible, Randall est trop jeune… Reste Daryl, leader de la bande, qui fait malheureusement pâle figure comparé à un Robert Quarles (glaçant Neal McDonough en saison 3) ou à un Ellstin Limehouse (Mykelti Williamson). En cause, le choix de Michael Rapaport dans le rôle, qui ne parvient pas à donner suffisamment d’épaisseur à son personnage pour le rendre menaçant et le placer au premier plan. En outre, toute l’intrigue a un petit air de déjà-vu puisqu’elle n’est pas sans rappeler celle de la saison 2, qui tournait autour du clan Bennett, emmené par l’inénarrable Mags (sublime Margo Martindale) et le génial Dickie (irrésistible Jeremy Davies), autre crétin congénital nettement plus pervers et inquiétant.

Ensuite, il s’agit clairement d’une saison de transition, destinée à planter le décor et à lancer les éléments qui aboutiront au grand final de la saison suivante. Par conséquent, il lui manque un fil narratif solide, autour duquel se construirait l’ensemble des épisodes. On a parfois l’impression que ça traîne en longueur, que les scénaristes ont fait du remplissage – en particulier dans les 6 premiers épisodes, où plusieurs intrigues impliquant Boyd ne mènent tout simplement à rien, et n’ont aucune répercussion sur la suite. De la même manière, les séquences montrant Ava piégée dans l’univers carcéral manquent d’accroche : on a du mal à entrer en empathie avec le personnage, à s’inquiéter pour elle. De surcroît, les scènes pâtissent de la comparaison inévitable avec Orange is the new black – dont elles n’ont ni le dynamisme, ni le ton enlevé. Autre conséquence, la série amorce sa conclusion en se recentrant sur le trio Raylan / Boyd / Ava, au détriment des personnages secondaires comme les marshals Tim et Rachel ou encore Wynn Duffy, qui ne sert plus que d’intermédiaire entre les différentes bandes criminelles.

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Malgré ces grosses faiblesses, la saison 5 nous offre quelques-unes des scènes marquantes dont elle a le secret. On pense en particulier à la réaction de Raylan à la mort d’un des personnages, et surtout à une séquence de l’épisode 5, durant laquelle le supérieur de Raylan, Art Mullen, se retrouve face aux mafieux de Détroit dans un dinner de Chicago – une confrontation dans le plus pur style de ce que la série fait de meilleur, lorgnant vers un mélange entre Pulp Fiction et Il était une fois dans l’Ouest, avec cette propension à concilier humour et tension dans un même mouvement.

Cette alliance improbable reste l’une des marques de fabrique de la série, que la force comique réside dans des personnages caractérisés sans tomber dans le cliché, dans le ridicule des protagonistes les plus irrécupérables (mention spéciale à Dewey Crowe, figure à la fois humoristique et tragique), dans les répliques pince-sans-rire d’un Wynn Duffy ou les sarcasmes que Raylan balance avec un débit de mitraillette. Sans même parler de l’ironie détachée de Boyd Crowder, décidément l’un des personnages les plus cools de la télévision. Toutefois, les deux registres se mélangent avec moins de fluidité que par le passé et la vivacité des dialogues a tendance à s’effacer au profit d’une atmosphère de gravité, parfois presque crépusculaire.

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Au moment de tirer sa révérence, Justified se recentre finalement sur sa mythologie originelle et en particulier sur deux axes présents en filigrane depuis le premier épisode. Il y a d’abord cette idée de fatalité, symbolisée par la chanson « You’ll never leave Harlan alive » (« Tu ne quitteras jamais Harlan vivant »), dont une version différente illustre chaque saison. Des interprétations variées pour un même constat : naître dans le comté de Harlan, c’est être condamné à y mourir en vertu d’une malédiction, liée non pas au lieu mais à un atavisme clanique. Les fils sont nés pour reproduire les erreurs de leurs pères, qu’ils végètent misérablement dans les montagnes crasseuses de poussière de charbon en se noyant dans l’alcool, ou qu’ils choisissent de vivre de petits trafics minables avant de  pourrir en prison ou de se faire plomber par les balles d’un autre petit truand miteux. Tel fut le sort de Wade Messer, des frères Bennett, de Dewey Crowe, de Devil ou de Johnny Crowder… Et c’est à ce destin irrévocable, à ce fatum de tragédie antique que tentent d’échapper Raylan et Boyd.

Leur antagonisme est précisément le second point sur lequel se focalise Justified. Bien qu’ennemis, ces deux-là sont définitivement les deux faces d’une même médaille : deux personnages opposés aux parcours parallèles, prisonniers d’un schéma familial et d’un environnement délétères auxquels ils s’efforcent de se soustraire. Leurs chemins divergent mais ils en arrivent au même point – le point de rupture. S’opère alors un retour aux origines qui coïncide paradoxalement avec une inversion des rôles. Boyd, qui n’a pas la carrure d’un grand criminel, en revient aux braquages qu’il perpétrait en saison 1, et il apparaît désespéré, fragilisé dans sa relation à Ava et surtout plus humain qu’il ne l’a jamais été ; Raylan échappe désormais à tout contrôle, prêt à tout pour en finir avec les Crowe et avec Boyd, y compris en transgressant la loi dont il est supposé être le représentant. La ligne est de plus en plus floue entre l’assassin sociopathe et le cow-boy justicier, précisément au moment où le spectateur doit prendre parti.

Compte tenu de la qualité à laquelle nous a habitués Justified, la saison 5 est un peu décevante. La série reste néanmoins fidèle à son ADN et conserve son atmosphère si particulière, bien qu’elle perde de sa force en se concentrant davantage sur les prémices du grand final de la saison 6, au détriment du ton humoristique et de la désinvolture qui lui avaient permis de se démarquer. En jetant les bases de la conclusion, cette avant-dernière saison prépare le terrain de l’ultime et inévitable affrontement fratricide entre Boyd Crowder et Raylan Givens ; à ce titre, elle est indispensable pour qui souhaite accompagner les deux héros jusqu’au bout du voyage.

 

Justified – Série créé par Graham Yost.

Saison 5 sur M6 à partir du 30 Mai à  01h10.

Déjà disponible en DVD.

 

Crédits photos : FX.