Le Series Finale : le curieux deuil du sériephile
La fin d’une série est toujours un moment difficile pour le téléspectateur assidu. Un moment douloureux qu’il faut savoir gérer.
A l’occasion des series finale de Fringe et de Private Practice cette semaine, repartons dans nos souvenirs de sériephile meurtri par la perte de leur Précieux !
Une seule série vous manque et tout est dépeuplé ! Tel pourrait être le mot d’ordre -quelque peu transformé- du fan de séries TV, communément nommé sériephile lorsque l’objet de sa passion vient à s’arrêter sur les ordres d’un vilain network. D’ailleurs, n’importe quelle série qui se termine, surtout après plusieurs saisons de bons et loyaux services, même dans ses mauvais jours, ça fait quelque chose.
Tout commence assez innocemment par l’annonce de l’annulation, des mois plus tôt. Le fan sent bien qu’il va douiller mais il fait contre mauvaise fortune bon cœur et trouve de jolies parades pour se remontrer le moral : « Il était temps d’arrêter le massacre » (le sériephile grognon), « Au moins, les scénaristes auront le temps de boucler l’histoire » (le sériephile idéaliste), « Mais c’est quoi ce délire, les audiences sont bonnes ! » (le sériephile analytique énervé), « Chouette, vivement l’intégrale Blu Ray » (le sériephile consumériste).
Le temps passe et la dernière saison commence. Semaine après semaine, le futur inconsolable regarde passer devant ses yeux inquiets les derniers moments d’émotions, les interactions amoureuses, amicales ou filiales des personnages, les scènes d’action, les arcs narratifs, le suspens, les guest-stars sans oublier la musique et les rires en coin.
Et puis, le voilà qui arrive, le series finale, le tout dernier épisode sur les épaules duquel repose de très nombreuses attentes. Car le sériephile est exigeant et multiple. Il ne sera que très rarement totalement satisfait, précisément parce que pour lui, l’enjeu est trop grand et important. Avant même son début, le séries finale s’accompagne d’une drôle d’appréhension, d’une impalpable nervosité, une envie terrible d’appuyer sur Play tout en sachant que c’est la dernière fois que cette série nous donnera du neuf et qu’elle peut potentiellement se louper dans la dernière ligne droite mettant ainsi en jeopardy des années d’amour pratiquement inconditionnel.
Se mettre dans des états pareils, en voilà une folie. Vous remarquerez d’ailleurs que le sériephile ne partage pas son final de séries. Il le regarde tout seul dans son canapé ou sa chaise de bureau. Ou en tout cas pas avec un non-initié qui aurait la mauvaise idée de lui faire remarquer que « personne n’est mort, faut arrêter, ce n’est qu’une série !! ». Oui enfin, jusqu’à cette malheureuse phrase, personne n’était mort !
Mais revenons donc à nos moutons. L’épisode est maintenant terminé de même que la série non sans une petite larme de versée par-ci par-là. Dans le pire des cas, le fan un peu drama queen se pelotonne dans sa couette et hurle des « Why, God Why » ! Dans le meilleur des cas, il est juste nostalgique de cette belle aventure qu’il a vécue.
Mais pour la majorité -et qu’il soit ou non satisfait- le sériephile est en proie à une méchante boule au ventre combinée à un affreux pincement au cœur. Ainsi démarre les étapes de son deuil qui ne sont guères différentes de celles qui accompagnent une « vraie » perte.
Le Déni : « ça ne peut pas être fini, ce n’est pas possible ». La Colère, qui se retourne en général contre le showrunner de la série si le final n’était pas à la hauteur des espérances ou contre le compagnon de vie qui n’a rien demandé à personne mais prend très cher. La Dépression avec l’épisode de la couette pré-cité ou plus communément l’impression que l’on ne retrouvera jamais une série à même de nous offrir la même qualité. Et finalement l’Acceptation, le jour où vous vous réveillez avec l’envie de revoir un épisode, voire ce séries finale et surtout la possibilité de le faire alors que jusqu’ici tomber par hasard sur une rediffusion à la télé faisait encore bien mal.
Au départ, il était question dans cet article de vous expliquer les raisons de ce deuil du sériephile (c’est ainsi que j’ai vendu l’idée à notre vénéré boss Alexandre !) mais il s’avère qu’expliquer ce sentiment de perte incroyable est impossible, chose que l’on ne ressent pas à la fin d’un livre ou d’un film. La série est ce drôle d’objet télévisuel identifié qui vous rend accro et parvient à vous mettre dans des états incroyables par la seule force de son écriture.
Le phénomène est aussi difficile à analyser parce qu’il y a autant de sériephiles et de séries qu’il y a de façon de les appréhender et de les aimer. Qui, après ça, osera encore ne pas les considérer comme de l’art ?
Crédits Photos: Lost (ABC Studios)/Fringe et Buffy (Twentieth Century Fox)/ Friends (NBC Television)
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