Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Top

Un Commentaire

Les squatteurs du petit écran: Shonda Rhimes (1/2)

Les squatteurs du petit écran: Shonda Rhimes (1/2)
Christophe Brico

Ils sont affamés, ils mènent de multiples projets en simultanés, ils créent de petits empires télévisuels, ils sont producteurs, showrunners, passent leurs journées sur 3 ou 4 plateaux en même temps, 2 ou 3 chaînes également. Et pourtant, souvent, ils sont aussi une patte, une façon de faire qui leur est toute particulière. Une identité créatrice que l’on retrouve, en filigrane d’un projet à l’autre. Ce sont les squatteurs du petit écran.

Nom : Rhimes
Prénom : Shonda
Née le : 13 Janvier 1970 (46 ans)
Situation personnelle : Inconnue, 3 enfants
Compagnie de production : Shondaland
Network de prédilection : ABC

Shonda Rhimes est, depuis plus de 10 ans maintenant une des incontournables du paysage audiovisuel américain (et international, les séries de sa conception s’exportant plutôt bien). Après des études en littérature et écriture, elle se spécialise plus particulièrement dans l’écriture cinématographique et télévisuelle. Fille d’un administrateur d’université et d’une mère qui reprit ses études sur le tard avec brio, c’est une de ces jeunes droguées de la réussite scolaire et universitaire. La faute au parents ? Sans doute, la légende voulant que le personnage de Miranda Bailey de Grey’s Anatomy soit inspiré de maman Rhimes.

C’est d’abord au cinéma que Shonda Rhimes fait ses premières armes, ou presque. Le script de “Introducing Dorothy Danridge”, biographie de la première actrice afro-américaine a avoir été nommée aux oscars en 1954, ici incarnée par Halle Berry, finira en téléfilm sur HBO (1999). C’est néanmoins une marque de fabrique de la scénariste : Des personnages d’origine afro-américaine forts. Puis ce sera la comédie Crossroads en 2002, avec Britney Spears, et enfin Un mariage de Princesse en 2004 avec Julie Andrews et Anne Hathaway. C’est après l’adoption de son premier enfant qu’elle se tourne durablement vers la télévision avec le show qui est, encore aujourd’hui, son plus grand succès : Grey’s Anatomy.

Grey's saison 12

Quoi de neuf docteur ?

La série médicale est sans doute un des genres les plus classiques, les plus balisés de la télévision américaine. Citons simplement pour l’exemple le soap General Hospital diffusé depuis 1963 et encore en cours (sur ABC d’ailleurs). Plus récemment, et sortant un peu du format du soap (et pour être précis du Soap “de jour”), on citera Urgences, diffusée sur NBC de 1994 à 2009, et sans doute parmi les séries qui ont fait la télévision moderne que l’on connait aujourd’hui. Evidemment ces deux axes ne sont pas les seuls, et de nombreuses séries médicales ont eu du succès, on pourra rapidement citer St. Elsewhere, Chicago Hope pour les plus traditionnelles, ou encore des séries telles que Diagnostique: Meurtre ou encore Dr. House, dans des concepts plus particuliers et proches de la série policière. Cela démontre que le genre de la série médicale, s’il est bien fait, a une espérance de vie exceptionnellement longue à la télévision, surtout dans sa forme la plus “pure”, mais également que c’est un genre protéiforme, qui permet aux scénaristes un cadre souple dans lequel proposer un grand éventail d’histoires, de situations.

C’est donc en 2005 que ABC commande un script à Shonda Rhimes. A cette période, celle-ci avoue être une afficionado des documentaires médicaux (spectatrice de “Surgery channel”), et le contexte de la série médicale paraît évident. Son objectif est double : faire à la fois une série de la diversité, avec des personnages de toutes origines auxquels tous les spectateurs peuvent s’identifier, quelle que soit leur propre culture, mais également une galerie de personnages féminins forts et réalistes. Bref, comme elle le dit elle même, et c’est un poncif, elle cherche à créer la série qu’elle souhaiterait voir. Grey’s Anatomy est donc pitché et lancé dans l’année 2005 en remplacement de milieu de saison en remplacement de Boston Legal. Le succès est immédiat, et, alors que la série en est à sa 12e saison et les audience un peu moins fortes, elle reste dans le top 10 des séries les plus regardées dans la tranche démographique des consommateurs, en l’occurrence les 18-49 ans.

Grey’s Anatomy c’est à la fois une série médicale dans la plus pure tradition du terme, et à la fois avec une réelle modernité dans sa conception et son sens de la modernité sociale. Un peu comme à pu l’être Urgences en son temps. Au commencement c’est une bande de jeunes internes qui débarquent pour commencer leur carrière dans l’environnement très concurrentiel d’un programme chirurgical de haut niveau. Le casting des jeunes, mené par Ellen Pompeo se veut divers à la fois dans les origines culturelles, et sociales. En miroir, la même chose est mise en scène chez les “matures”. Sur cette base est construite une série qui, à la fois, utilise tous les codes de la série médicale, pour construire son rythme, épisode par épisodes, mais également en développant les histoires personnelles (et surtout sentimentales) entre les différents personnages et les différents groupes (jeunes et matures), et, ce faisant, placer la série dans une modernité : Couples gays, couples inter raciaux, rapport à l’hérédité et au concept de famille, central dans la série, rapport à la mort, à la carrière, et aussi, de temps à autre, des rappels des événements qui marquent la société moderne, comme, par exemple, un tireur fou qui prend en otage l’hôpital, évoquant les drames tels que celui de Columbine. Aujourd’hui dans sa 12e saison, il est vrai que la série tourne un peu en rond. Après tout, c’est ce que les spectateurs veulent la série réunissant encore entre 8 et 9 millions de téléspectateurs tous les jeudi soirs, ce qui, de nos jours, n’est pas si mal que ça. Grey’s Anatomy est une série qui fonctionne, et qui jouit d’une qualité majeure de sa créatrice : la capacité à manipuler les codes les plus éculés de la télévision (comme ceux du soap, par exemple), et de leur insuffler une certaine modernité. Allons même plus loin, dans la mise en scène de la modernité, il y a même, parfois, dans les séries Rhimes, une capacité à l’avant-garde, et aussi aux scène un peu choc et marquantes.

grey-s-anatomy s12

ABC ne s’y trompe pas et commande, dès 2007, soit au moment de la 3e saison de Grey’s Anatomy un spin-off : Private Practice.

Construite autour du personnage de Kate Walsh (Addison Montgomery) issue de la série mère, la série se déroule à Los Angeles dans un cabinet de médecine privé. Private Practice est pratiquement l’antithèse médicale de sa grande sœur. Point d’hôpital ici, mais un espace de travail plus proche de celui que l’on retrouve dans les workplace dramas. Point de compétition entre les praticiens, mais un environnement collaboratif. Point de spécialités élitistes, mais au contraire, les pratiques médicales peu explorées à la télé, comme la gynécologie, la pédiatrie, ou encore les médecines parallèles. Autours de Kate Walsh est construit un très beau casting pour cette série, incluant, notamment, Taye Diggs, Tim Daly, Amy Brenneman ou encore Caterina Scorsone qui continuera la carrière de son personnage dans Grey’s Anatomy après l’arrêt de la série, bouclant ainsi la boucle. Tout au long de ses 6 saisons, la série va, d’une certaine manière, être le complément de Grey’s Anatomy dans la volonté de Shonda Rhimes d’utiliser les codes balisés de la télévision pour exprimer une vision moderne de la société. Par la nature des professions médicales représentées, c’est plutôt autours des questions de la famille, et de ce qu’elle signifie dans ce début de millénaire que la série va se concentrer. Allant parfois jusqu’à des scènes ou des situations choc (comme une “césarienne” brutale faite par une psychopathe sur un des personnages, ou une autre enceinte d’un bébé en mort cérébrale), la série sera arrêtée en saison 6. Durée relativement honorable, force est pourtant de constater que la série s’est essoufflée assez rapidement, les recettes fonctionnant en milieu hospitalier devenant beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre lorsque l’on sort de cet environnement. C’est d’autant plus vrai que cette exploration du médical par Shonda Rhimes ne serait pas complet sans citer l’éphémère Off the map, dont elle n’est certes que productrice, et qui ne vivra que 13 petits épisodes entre 2001 et 2012. Mettant en scène des médecins au milieu d’une jungle d’Amérique du sud, la série voulait proposer une version “médecine de terrain” de la série médicale. Là encore la recette a pour cœur les histoires personnelles des différents personnages, tout en rythmant les épisodes d’histoires un peu plus aventureuses, l’environnement étant relativement hostile. La série ne prend pas et est abandonnée rapidement.

Grey’s Anatomy démontre la capacité de sa créatrice de se saisir de codes éculés, et de les moderniser. On pourra le voir avec encore plus de force dans la seconde partie de ce portrait consacré aux séries “de genre” de la productrice.

En conclusion, vous trouverez une interview de Sarah Drew (Dr. April Kepner dans Grey’s Anatomy depuis la saison 6) réalisée lors de la 55e édition du Festival de Télévision de Monte-Carlo.

Sarah Drew Grey's

SARAH DREW (April Kepner dans Grey’s Anatomy) :

“LA SERIE EST PLUS FORTE QUE N’IMPORTE LEQUEL DE SES PERSONNAGES”

Season One : Il y a de nombreux départ en saison 11. Comment avez-vous réagit lorsque vous l’avez appris ?

Sarah Drew : C’est toujours triste de voir des gens partir, cela laisse un “vide” et nous avons toujours une sorte de période de deuil sur le plateau quand nous sommes ensemble. Mais les gens avancent, et nous sommes heureux pour eux.

Il semble que la série résiste à ces départs. Cela veut-il dire que le show est plus fort que ses personnages ?

Sarah Drew : Je pense que la série est plus forte que n’importe lequel de ses personnages et nous avons démontré cela année après année. Nous avançons sur la saison 12 et nous sommes très excité. il y a vraiment un rafraîchissement de la série.

Votre personnage, depuis le début, est perpétuellement pris en étaux entre ses convictions et les situations auxquelles elle est confrontée. Comment cela est-il tenable dans la durée ?

Sarah Drew : Je pense que c’est une histoire à laquelle beaucoup de gens peuvent s’identifier. Tant de gens sont pris entre le fait de vouloir être d’une certaine façon et devoir agir d’une autre face aux réalités de la vie. C’est une histoire très intéressante à raconter. J’ai adoré voir cela, en commençant avec un personnage un peu timide et peu sûre d’elle et qui a finalement accepté qui elle était, et maintenant est carrément “badass”, prend les choses en main et ne se préoccupant pas de ce que les gens pensent. Ça a été très excitant de vivre cette évolution.

Quelle part de vous-même avez-vous apporté au personnage d’April Kepner ?

Sarah Drew : Je suis chrétienne, je suis une personne de foi dans ma vie personnelle, et je peux donc définitivement m’identifier au personnage et à la sensation que je dois un peu cacher cela dans l’industrie de la télévision comme elle doit le faire dans le milieu médical, parce qu’il y a toujours cette opposition entre foi et science. Et j’ai ressenti la même chose à Hollywood. J’ai donc pu m’identifier profondément à ce conflit interne. Hollywood propose le genre de vie que les gens de ma communauté regardent avec suspicion, et mon père et prêtre ! Mais il a été mon premier fan (rires !).

Au début de la saison 11 votre personnage doit faire face à la perte d’un enfant. Comment avez-vous abordé cette partie de l’intrigue comme actrice et comme femme ?

Sarah Drew : J’ai proposé cette intrigue, c’est une histoire qui est arrivée à des amis de mes parents. Il m’a semblé que c’était vraiment une histoire intéressante à raconter, spécialement avec un personnage qui est définitivement anti-avortement (“pro-life” en anglais, Ndlr) et un autre qui ne ressent pas le besoin de se plier à ce genre de convictions. Il m’a semblé vraiment intéressant de voir ces deux personnages se confronté sur cette question, et essayer de prendre les décisions difficiles quand ils ne peuvent en aucun cas gagner. Cela a d’autant plus été intense que j’étais moi-même enceinte à cette période. On a tourné la scène du bébé mort et je suis entrée en travail 10h plus tard ! Mon bébé était prématuré de 3 semaines et a du être médicalement traité à la naissance. Je me suis donc retrouvée en salle de travail sur le plateau pleurant mon bébé mort que l’on venait de m’enlever et 10h plus tard, dans une vraie salle de travail avoir mon bébé enlevé en vrai. J’ai définitivement pu comprendre ce qui se passait dans la tête du personnage.

Dans le double épisode final de la saison 11 vous avez des scènes très badass, était-ce fun à jouer ?

Sarah Drew : Oui, j’étais très excitée. C’est Kevin McKidd qui a réalisé les deux dernier épisodes de la saison. Il regardait à l’époque des films de super héros et disait “elle doit avoir l’air d’un super héros”. Alors il dirigeait avec des angles particuliers, des zooms rapides, des plans à la Iron Man. J’étais tellement heureuse qu’il mette cela en place, je disais “Merci Kevin, c’est trop cool !”. C’est très fun de jouer un héros, d’être badass, de faire des choses comme cela.

Crédits: ABC

  • Nataka

    C’est un point de détail qui n’a rien à voir avec Shonda Rhimes, mais Dorothy Dandridge n’est pas la première actrice afro-américaine a avoir été nommée aux oscars. C’est la première à avoir été nommée pour l’oscar de la meilleure actrice. Hattie McDaniel avait obtenu en 1939 l’oscar de la meilleure actrice dans un second rôle.