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Mark Gatiss: L’homme qui vit de ses passions

Alexandre LETREN

C’est à l’occasion de la 5ème édition de Comic Con Paris que nous avons eu le plaisir de rencontrer Mark Gatiss. Co créateur avec Steven Moffat de Sherlock, scénariste et acteur sur Doctor Who, et grand fan devant l’éternel de la célèbre série de SF, il a énormément de choses à nous raconter sur ces deux séries. Nous reviendrons avec lui sur l’influence de la Hammer sur sa carrière, de son rapport à Doctor Who, son lien avec Steven Moffat, sur Sherlock, et même de Jeremy Brett…Si si!!

mark gatiss

Season One: J’ai lu que vous aviez une passion, étant enfant, pour Doctor Who, les films de la Hammer, Sherlock Holmes et même H.G Wells. Comment cela vous a-t-il inspiré en tant que scénariste ?

Mark Gatiss: J’imagine que mon dernier scénario, The Crimson Horror, est très «Hammer». J’ai toujours aimé les films d’horreur, j’ai même fait deux documentaires sur les films d’horreur. Toutes ces choses ont grandi en parallèle. Mon amour pour Doctor Who, Sherlock Holmes, et les films d’horreur, ces éléments ont rebondi les uns contre les autres et ont grandi en moi. La chose dont je me souviens le plus, à propos de Doctor Who quand j’étais enfant, c’est à quel point j’étais terrifié. Et c’est quelque chose de génial qu’on a envie de revivre encore et encore. Parce que c’est une série vraiment «fun». Il y a aussi beaucoup d’éléments d’aventure, mais quand il s’agit de ces moments totalement terrifiants, pour moi, c’est ça l’essence de la série. Mais c’est très difficile de savoir ce qui marchera. Je me rappelle comme si c’était hier d’avoir vu un épisode avec David Tennant, Tooth and Claw, j’étais chez Steven Moffat. Vous savez, il y a ce magnifique loup-garou en effets spéciaux, le moment où il se transforme et où les yeux de l’homme deviennent noirs, les enfants de Steven étaient terrifiés, ils n’ont pas dormi pendant une semaine entière ! Et tu te dis « mais c’est juste une paire de lentilles de contact noires ! On aurait pu économiser pas mal d’argent sur ce coup ».

Mark Gatiss with the statue of Boris Karloff in BBC Four's A History Of Horror

Mark Gatiss with the statue of Boris Karloff in BBC Four’s A History Of Horror

Season One: Avant de travailler sur Doctor Who, vous vous êtes attaqués à pas mal de projets, inspirés par Doctor Who. Que pouvez-vous nous dire sur ces projets ?

M.G: C’était au début des années 90, une période où on se disait que la série ne reviendrait plus jamais, en tout cas moi je croyais qu’elle ne reviendrait pas. Il y avait cet homme, Bill Baggs, qui produisait des téléfilms et qui en a fait un avec quatre Docteurs (enfin ils n’étaient pas officiellement Docteurs). Il a demandé à un de mes amis de me présenter à lui et il m’a demandé d’en faire un autre. Et le truc le plus excitant pour moi c’était que j’allais travailler avec Jon Pertwee, ce qui était génial parce qu’il était «mon» Docteur. C’était ma première tentative d’écrire un drama. J’ai de très bons souvenirs de ces téléfilms. C’était une époque très particulière, le début des années 90.

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Season One: Comment expliquez-vous, en tant que fan de Doctor Who, que la série se soit arrêtée à la fin des années 80 ?

M.G: Je pense que, justement, ça commençait à redevenir intéressant, vers la fin, juste que ça ne s’arrête. Je pense que le problème, et c’est comme pour tout chose, si les gens arrêtent de l’aimer – et je ne parle pas des fans, mais des gens de la BBC – on finit par le prendre comme quelque chose d’acquis. Et je crois que ça, ça peut tuer n’importe quoi au bout du compte. Tu te dis «oh c’est là, c’est acquis» et ça finit par se faner tout doucement. Mais après 26 ans, il faut reconnaître que c’est difficile de continuer à surprendre les gens. Les choses changent, les dirigeants changent. C’est souvent ce qui arrive quand arrive de nouveaux patrons, ils veulent avoir «leur» truc à eux et ils font table rase. C’est difficile. Je crois que maintenant, avec le recul, la série était incroyablement robuste et créative dans ses dernières années. Je n’ai pas toujours pensé ça, mais maintenant oui. C’était génial, des idées fraîches, de nouveaux principes… Naturellement, l’essence du programme avait changé, c’est ce qui faisait que ça marchait. Il y a eu un changement radical vers la fin et c’est vraiment triste que ça n’ait pas continué, pile au moment où ça devenait très intéressant.

Season One: Vous avez travaillé avec Steven Moffat sur Doctor Who, Sherlock et même sur Jekyll. Comment décririez-vous la façon dont vous travaillez ensemble ?

M.G: Eh bien c’est très différent pour chacun de ces projets. En fait, j’étais surtout «dans» Jekyll, je jouais Robert Louis Stevenson. Je connais Steven depuis des années, ça remonte aux années 90. On avait l’habitude de se retrouver à des soirées parce que mon agent et Sue, la femme de Steven et productrice de Sherlock, sont de vieux amis. Et le schéma était toujours le même : il me parlait de The League of Gentlemen, je lui parlais de Coupling, ensuite on commençait à parler de Doctor Who, puis on se bourrait la gueule et enfin, on prenait le premier exécutif de la BBC qui nous tombait sous la main, on le poussait dans un coin et on lui demandait : «Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas ramener Doctor Who ?!». Ce petit manège a duré des années !
On a créé Sherlock ensemble, et c’est un peu notre bébé, ça a tellement bien marché, ça nous a tous pris par surprise. C’est incroyable à quel point les gens aime la série, c’est excitant. Pour Doctor Who, Steven est le showrunner, donc c’est la seule série où j’écris pour quelqu’un d’autre, la seule qui ne soit pas à moi, à proprement parler. Mais je le fais parce que j’adore cette série. Mais naturellement, nous sommes très proches dans le travail et c’est agréable d’avoir la liberté que j’ai ici.

Season One: Quel à été votre sentiment, le premier jour où vous êtes arrivé sur Doctor Who?

M.G: Je m’en souviens très exactement. La première chose, j’ai reçu un appel d’un ami tard le soir disant : «Est-ce que tu es assis ? Doctor Who est de retour !». Le lendemain, et c’est la pure vérité, j’ai appelé David Tennant et je lui ai dit : «Est-ce que tu es assis ?» et je lui ai annoncé la nouvelle. Et bien sûr, j’ai reçu un coup de fil de Russell T.Davis me demandant si je voulais en faire partie, c’était le meilleur Noël que j’ai jamais connu. Et ensuite, en arrivant sur le tournage, où mon scénario allait prendre vie, à Newport – c’était là-bas à l’époque – où se trouvait le Tardis… Le nouveau Tardis faisait l’objet d’une grosse présentation à la presse. J’ai directement débarqué de Montreal jusque que là, et je me souviens d’être entré dans le Tardis et c’était si étrange, et je me disais «c’est vraiment en train de se produire». Tous ces souvenirs sont encore très vivaces dans mon esprit.

Season One: Est-ce que c’est compliqué pour vous d’apporter des éléments neufs avec des personnages comme Sherlock Holmes, qui ont eu leur lot de films, de séries, de romans ?

M.G: Non, parce que notre intention dès le départ n’était pas d’en faire un remake, mais d’en faire ce qu’on appelle entre nous une « version restaurée ». Il y a des centaines de fantastiques Sherlock Holmes dans des adaptations ciné ou télé. Ce qu’on s’est dit, c’est que les gens avaient oublié ce qui était bien dans ces personnages à  l’origine, et que la raison pour laquelle les gens continuent de les lire, c’est grâce à l’amitié entre ces deux hommes. Et il y a eu un paquet de versions qui semblent n’être concentrées que sur les chapeaux haut-de-forme, le brouillard et tout le reste, et vous vous retrouvez avec un Sherlock Holmes qui se fait une injection au beau milieu de l’affaire la plus excitante de sa carrière. Non ! Il ne faisait pas ça parce qu’il était addict ! Il ne prenait de la drogue que quand il s’ennuyait. Et on se dit «Est-ce que vous avez au moins lu ces histoires ?!».
Donc, ce que nous voulions faire, c’était de revenir à l’essence de Sherlock et Watson et les réintroduire au public. Et évidemment, la meilleure façon de le faire c’était de se débarrasser de tous ces artifices. L’idée nous est venue dans un train en direction de Cardiff, on en parle et je dis «c’est étrange, dans l’histoire originale, Dr Watson est un soldat, de retour chez lui, blessé durant la
guerre en Afghanistan, comme aujourd’hui !». Et on s’est regardé et Steven a dit «tu sais, quelqu’un devrait faire ça». Et c’est ce qu’on a fait.

Season One: D’après vous, est-ce que c’est une bonne idée que, dans d’autres pays, Watson soit une femme ? Pour moi c’est une mauvaise idée…

M.G: Ça ne me dérange pas, non. Si on n’avait pas fait notre version, je me dirais probablement que c’est bien. Pourquoi pas? C’est une interprétation différente, n’est-ce pas? Notre truc à nous, c’est qu’on adore Conan Doyle, c’était un génie, on ne pourra jamais le dire assez fort. Donc revenir à l’amitié qui lie ses deux hommes, c’était notre objectif principal. Je pense que si l’on transforme Dr Watson en femme, ça change la dynamique toute entière, mais ça ne rend pas pour autant la série mauvaise. Il y a un très joli film appelé They might be giants, au sujet d’un homme qui pense être Sherlock Holmes et son psychiatre s’appelle Dr Joan Watson et c’est très joli. C’est juste une autre interprétation.

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Season One: Je suis un très grand fan de votre Sherlock Holmes, mais je suis aussi un grand fan du Sherlock Holmes avec Jeremy Brett. A quel point votre Sherlock Holmes est différent de celui-ci ?

M.G: Vous savez, je pense que chaque génération a eu son Sherlock Holmes. Et Jeremy Brett a été «mon» Sherlock. Une bonne partie de ces histoires sont absolument géniales, mais je crois que la grosse différence c’est qu’ils ont été très fidèles aux histoires originales, tandis que nous avons été, dès le début, un peu plus infidèles, parce que véritablement, c’était comme ça qu’était Conan Doyle. Il y a une histoire assez connue : quelqu’un avait écrit une pièce sur Sherlock Holmes dans laquelle il se marie. Et l’auteur a envoyé un télégramme à Doyle qui disait «Est-ce que j’ai votre permission pour marier Holmes ?» et Doyle a répondu «vous pouvez le marier, l’assassiner, faites ce que bon vous semble avec lui !». Le fait qu’il soit si décontracté à ce sujet, c’est tellement drôle. Ce sont les autres qui le traitent comme si c’était le Saint Graal, et qui ne veulent surtout rien changer… Il n’a jamais pensé comme ça, il était juste heureux. Donc on a toujours pris des bouts de nos histoires préférées à plus ou moins haute dose, pour faire un peu ce que faisaient les films avec Basil Rathbone, qui son mes préférés. Ils ont mélangé ces histoires et se sont amusés avec. Et ce côté «fun», c’est la raison pour laquelle les gens tombent amoureux de Sherlock Holmes, pas parce qu’on le traite comme une série littéraire, mais parce que ce sont des aventures. Celles de Jeremy Brett étaient formidables, mais quand on les revoit aujourd’hui, la seule chose dont elles souffrent c’est quand ils essayaient d’adapter des histoires courtes en un épisode d’une heure. Ça les rendaient vraiment plus lentes et le téléspectateur a ainsi une petite longueur d’avance sur Sherlock, il sait ce qu’il va se produire parce que ça prend tellement de temps à se mettre en place.

Season One: Comment choisissez-vous les romans que vous allez adopter ?

M.G: Après le succès rencontré par la saison 1, on s’est dit qu’on allait pas remettre à plus tard le plaisir de faire trois grosses histoires. Donc pour la deuxième saison, tout s’est emboîté parfaitement, on ferait Scandal in Bohemia, The hound of the Baskerville et The Final Problem. Mais cette année, c’est une autre somme de défis. Au fil des discussions ça nous a surtout conduit à nous demander où on voulait aller avec ces trois prochains épisodes, et ensuite quelles étaient nos histoires préférées. J’adorerais faire The red headed league, je raffole de cette histoire. Mais il y a parfois juste des bouts, certaines histoires ont de très bonnes déductions, une bonne idée ou une bonne image, sans être pour autant mémorables. En fait, il y a deux morceaux empruntés à A Case of identity dans cette saison. C’est une toute petite histoire qui serait très difficile à adapter aujourd’hui, mais il y a quelques très beaux passages dedans qui sans cela seraient oubliés depuis longtemps, donc c’est sympa de les faire revivre.

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Season One: Quand avez-vous décidé de jouer vous même Mycroft Holmes ?

M.G: Dans le pilote, il n’y avait pas Mycroft. Quand on a évoqué l’idée d’étendre au 90 minutes, on a eu l’idée de le présenter comme s’il était Moriarty, et avec un peu de chance, les gens tomberaient dans le panneau. En fait, on a eu une réunion à ce sujet avec Stephen Thompson qui a écrit d’autres épisodes, et j’auditionnais pour jouer Peter Mandelson (homme politique britannique), qui essentiellement est un peu Mycroft, et je suis arrivé avec mon costume de Mandelson. Stephen m’a dit «tu devrais l’incarner ! Parce que s’il y a quelqu’un que les gens peuvent prendre pour Moriarty, c’est toi». Et j’étais très heureux de le faire.

Traduction effectuée par Delphine Rivet

Crédits
: ITV/ BBC/ Alexandre Letren
Merci aux  équipes de Comic Con Paris, à 8 Art City ainsi qu’à Sabrina Gaudou et Sarah Marcade du service presse de Comic Con