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Un Commentaire

Mea Culpa sur Jane the Virgin

Mea Culpa sur Jane the Virgin
Charlotte Calignac

Jane, qui a fait vœu de chasteté jusqu’au mariage, se retrouve par mégarde inséminée artificiellement, et porte l’enfant de son amourette d’été 5 ans auparavant (évidemment, il est riche, il est beau, il est romantique). Sauf qu’elle était supposée se marier avec l’Homme de Sa Vie quelques mois plus tard (il est stable, il est beau, il est romantique). Bref : c’est le bordel.

Ceci, mesdames et messieurs, est un mea culpa

À la rentrée dernière, je grommelais contre Alexandre qui m’avait imposé (!!!!) de regarder Jane the Virgin pour en tester le pilot, dont je faisais une critique assez sévère (c’était de la protection émotionnelle : je regarde encore Vampire Diaries malgré la déchéance absolue dans laquelle elle est tombée depuis des années… Pas besoin d’ajouter une série pop corn à la longue liste de celles que je regarde déjà).

Tout au long de l’année, j’ai lu des commentaires dithyrambiques sur la nouvelle comédie de l’année, puis Gina Rodriguez a remporté le Golden Globe de la meilleure actrice dans une comédie (très, très mérité ce Golden Globe) et je me suis dit que, peut-être, j’avais trop cru le marketing de la CW et j’avais… ahem… peut-être eu… hum… tort.

PEUT-ÊTRE, OKAY ?

Jane the Virgin a plusieurs points forts qui en font une série comique très efficace. D’abord, Gina Rodriguez mérite tous les awards. Elle sait tout faire, et son talent à la fois comique et dramatique font passer avec Jane du rire aux larmes, du « aaaawwww » attendri à la boule à la gorge.

Elle sait même rapper.

Le reste de ses points forts sont entremêlés. La série s’assume complètement, de l’absurdité de son concept de A à Z aux codes des genres auxquelles elle est supposée appartenir (télénovelas/soap opera et comédie). En assumant le côté ridicule du principe fondamental de l’histoire, la série se libère de nombreux éléments qui pourraient lasser ou faire lever les yeux au ciel.

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  1. Des personnages over-ze-top

Les personnages sont tous des caricatures, et c’est ce qui me posait problème dans le pilot. Il n’est pas question pour la série de se détacher de ces caricatures/stéréotypes, mais bien de s’éclater sur le sujet. Petra, dont je me plaignais dans mon article précédent, a tous les codes de la Méchante : fausse identité, Grand Secret, plein de relations avec plein d’hommes, une Méchante Maman Maléfique,  un cœur d’or derrière toute cette Méchanceté Méchante, et des talents de manipulatrices hors pair. Elle est la Méchante qu’on adore détester et pour laquelle on ressent de la pitié, et l’actrice qui l’interprète arrive à être suffisamment nuancée pour qu’on s’éclate.

Xo, la mère de Jane, et Rogelio DelaVega, son père, sont également deux grandes Drama Queens qui font le contre-pied de la très pragmatique Jane et de sa grand-mère. Ce qui n’empêche pas de vrais moments d’émotions. L’ensemble de ces personnages et des rebondissements absurdes à la sauce 2015 et méta, contribuent à raconter une histoire drôle se déroulant à un rythme frénétique.

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  1. Le triangle amoureux

J’ai horreur des triangles amoureux. Je trouve ce concept éculé et la meilleure façon de détruire les personnages. La fille incapable de savoir qui elle aime entre deux hommes la fait passer pour une girouette, surtout quand pour faire tenir l’histoire sur le long terme, les deux prétendants finissent par se transformer en d’insupportables connards. Dans Jane the Virgin, les deux prétendants sont loin d’être parfaits dans le sens où ils sont humains. Ils ont certes leurs défauts, mais ils ont également des qualités indéniables qui rendent Michael et Rafael tous les deux crédibles et attirants.

Pour la première fois de ma vie, j’ai été complètement incapable de décider qui était le plus digne de notre héroïne.

Mon cœur de romantique voudrait une histoire à trois, où Jane est avec les deux hommes et tout le monde est heureux (si, si, c’est très romantique).

Ce qui fonctionne aussi très bien, c’est que Jane choisit. Oui. Elle choisit, en saison 1, rapidement, et elle prend des décisions qui sont compréhensibles et respectueuses. On a une héroïne qui est honnête avant toute chose, et cela passe par une honnêteté envers elle-même. C’est ce qui la rend aussi attachante, ce qui fait qu’on veut la voir heureuse. Et ça, c’est quand même un truc énorme dans un triangle amoureux.

  1. Le format

Je parlais des genres auxquels Jane the Virgin appartient. La telenovela, soap opera sud-américain (je ne parle pas du fait que la série est inspirée d’une telenovela vénézuélienne, la version US est tellement distante de la version originale que seul le format vaut d’être évoqué), et ses rebondissements invraisemblables dans un toutélié qui fait rarement sens.

La série se sert des fils rouges habituels au genre pour l’histoire, mais joue avec plusieurs aspects pour la rendre drôle et prendre du recul. L’exemple le plus flagrant est la voix-off, dont le personnage s’intitule « Narrateur Latin Lover » (pour de vrai) est un personnage omniscient qui vient éclaircir ce que ressentent les personnages, ce que comptent faire les personnages, et intervient sur le montage de l’épisode. Le Narrateur (interprété par l’inénarrable Anthony Mendez), c’est ce pote hilarant avec qui vous regardez des nanards en mangeant des pop corn. Il commente chaque scène avec des petites infos en plus et vient expliquer tout ce qui est compliqué dans une histoire aussi alambiquée que ce soap opera. Pour dire, c’est la première fois de ma vie que je n’ai passé aucun « previously on », car pour une fois ils faisaient partie intégrante de l’épisode.

En plus de la narration orale, la série se sert d’une narration écrite, qui fait gagner du temps à tout le monde. Pas besoin de scènes répétitives d’exposition sur ce qui s’est passé l’épisode précédent pendant lesquelles les personnages se répètent des choses qu’ils savent déjà ; la série tape à la machine à écrire les éléments importants à se remémorer, à grands renforts d’astérisques, de ratures, d’émoticônes et de jeux de mots second degré.

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Finalement, le dernier aspect du format qui fonctionne, c’est l’incarnation visuelle des fantasmes de Jane. Bercée aux telenovelas, la jeune fille oscille systématiquement entre rêves et réalité, entre pragmatisme et fantasmes. C’est pour ça que Rafael a une auréole pendant un épisode, pour ça que le cœur de Jane devient plus ou moins rouge quand un de ses prétendants la fait fondre. En plus d’ajouter un trait d’humour à des scènes surréalistes, ces éléments participent à éclaircir les émotions des personnages. On comprend tous les points de vue des personnages sans lourdeur, parfois même avec plus de finesse qu’ailleurs.

Mais ce qui vient parfaire l’ensemble c’est que même si le principe de départ de la série est complètement, fondamentalement ridicule, tous les personnages l’admettent et participent à inscrire l’histoire dans le réel. Par là j’entends que toutes les réactions que vous pensez pouvoir avoir si ça vous arrivait sont ressenties par Jane et son entourage.

Comme je disais à la rentrée dernière, je n’aime pas trop les séries sur les grossesses, surtout celles non-désirées.

Pourtant, Jane the Virgin évoque l’avortement, puis les raisons (logiques) pour lesquelles Jane ne fait pas ce choix. Puis, et c’est ce qui réellement m’a vendu la série dans l’épisode 2, il y a cette scène où Jane a une conversation à cœur ouvert avec sa mère sur la réalité de la grossesse, les conséquences irréversibles que ça aura sur sa vie, sur le nombre de choix qui se réduit et un futur qui s’efface. Et ça, peut-être parce que je suis une femme, ça m’a parlé.

Jane the Virgin, et le marketing de la CW n’ont pas vendu la série qui a été produite par Jennie Snyder Urman. La grossesse, la religion, la virginité de Jane, sont des aspects secondaires. Ce n’est que la situation de départ, pas ce qui définit l’univers de la série. Et certainement pas ce qui définit Jane.

Paradoxalement, Jane the Virgin m’a paru être l’une des séries les plus féministes que j’aie vue de l’année. Parce que Jane a un véritable pouvoir décisionnel sur tout ce qui a trait à sa vie, et ce sont ses choix qui font évoluer son histoire.

C’est donc pour toutes ces raisons que j’annonce le seul point négatif qui m’a turlupinée toute la saison : avec une première saison à ce point réussie, comment pouvoir tenir sur le long terme sans tomber dans les écueils du soap, sans lasser par un format original ?

Crédits: CW