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Pilote d’essai : Billions (Showtime)

Pilote d’essai : Billions (Showtime)
Fanny Lombard Allegra

La review

PILOTE
8
SCENARIO
7.5
CASTING
8
REALISATION
7.5
ENVIE DE VOIR LA SUITE
8.5
7.9

Une série addictive et prometteuse

Après les succès de Homeland, Penny Dreadful ou encore Ray Donovan, Showtime lance Billions, série ambitieuse au casting alléchant. Basée sur le livre « Too big to fail » de Andrew Ross Sorkin, qui a participé à l’écriture du scénario, ce thriller met en scène la lutte acharnée entre un magnat de la finance et le procureur décidé à le faire tomber. Le pilote, présenté en avant-première avant sa diffusion  sur les écrans le 17 Janvier prochain, est extrêmement prometteur. Au temps pour le délit d’initiés : on vous conseille fortement d’investir…

Rescapé des attentats du 11 Septembre 2001 qui ont vu mourir ses associés, Bobby « Axe » Axelrod (Damian Lewis) est à la tête d’une entreprise d’investissement et d’opérations boursières. Milliardaire, l’homme d’affaire est aussi un philanthrope avenant, apprécié du grand public. Mais on ne bâtit pas une telle fortune sans se salir les mains. C’est en tous cas la conviction du procureur Chuck Rhoades (Paul Giamatti), qui hésite pourtant à s’attaquer à Axelrod, d’abord parce que sa popularité le rend intouchable, mais aussi parce que sa propre épouse Wendy (Maggie Siff) travaille comme consultante auprès du trader. En embuscade, l’implacable homme de loi attend son heure et guette le moment où sa proie commettra un faux-pas. Et justement, l’orgueil d’Axelrod est peut-être sur le point de le faire trébucher…

Rares sont les fictions prenant place dans l’univers de la finance qui parviennent à emporter l’adhésion du grand public aussi bien que des professionnels du milieu, parce qu’elles sont en général jugées trop complexes (comme le film Marging Call) ou au contraire trop simplistes (comme Le loup de Wall Street). Bénéficiant de l’expertise de Andrew Ross Sorkin, homme de média et spécialiste des marchés boursiers, Billions y parvient relativement bien. Le jargon technique reste anecdotique et surtout compréhensible, et il n’entrave donc pas le cours du récit ; en parallèle, des allusions seulement intelligibles des initiés sont autant de clins d’œil qui leur sont adressés. Par exemple, le journaliste de CNBC David Faber joue son propre rôle, tandis qu’une scène est calquée sur la rivalité entre Bill Ackman et Carl Icahn. (Rassurez-vous : moi non plus, ça ne me parle pas des masses…) Crédible sur son volet économique, Billions ne s’y laisse pas enfermer et le traite comme un simple arrière-plan. Et pour cause : Billions est bien autre chose qu’un thriller financier ! Comme le dit très bien l’exergue choisie pour la promotion de la série : It’s not about money. (Ce n’est pas une histoire d’argent) Pour Axelrod et Rhoades, l’argent est accessoire et il n’a d’importance qu’en tant qu’instrument servant à asseoir le pouvoir et la domination. C’est exactement de cela qu’il est question : une histoire de pouvoir et de domination, l’histoire de la lutte personnelle entre deux hommes et de l’inévitable confrontation vers laquelle vont les précipiter des égos démesurés. Un enjeu humain que chacun peut comprendre, même s’il est incapable de définir ce qu’est un junk bond, un contingent swap ou une accumulation distribution.

D’un côté, Bobby Axelrod dit Axe, self-made man parti de rien et qui a construit un empire en gérant des hedge-funds, sur les décombres de son entreprise décimée par les attentats terroristes. Milliardaire ambitieux et agressif en affaires, il fait aussi preuve d’altruisme et consacre une partie de sa fortune à des fonds destinés à venir en aide aux proches de ses anciens collègues. En privé, c’est un père et un mari attentionné, et sa simplicité et son parcours, exemplaire du rêve américain, en font la coqueluche des médias et une personnalité appréciée du public. Il est pourtant moins lisse et moins honnête qu’il n’y parait, et c’est un homme orgueilleux et ombrageux. Face à lui, Chuck Rhoades est un procureur rigide et intransigeant, un homme irascible et volontiers caustique,  arc-bouté sur ses principes. Fort de la légitimité morale que lui confère la Loi, il craint cependant de mettre en péril le taux de condamnations record dont il est le détenteur, et n’envisage de s’attaquer à Axelrod que s’il est certain de pouvoir le faire tomber. Entre les deux hommes, Wendy Rhoades est dans une position délicate : la psychiatre, qui travaille comme consultante pour le premier, est l’épouse du second. Une situation problématique qui met la jeune femme en porte-à-faux et pourrait à terme générer un conflit d’intérêt.

billions2

Pour incarner ces personnages forts, il fallait un casting à la hauteur, susceptible d’en explorer les différentes facettes. Au vue du pilote, il semble bien que Billions ait misé sur les bons acteurs. Damian Lewis (Homeland) est excellent dans le rôle d’Axelrod, agneau sympathique et accessible sous la peau duquel se cache un loup féroce et affamé ; Paul Giamatti  (Sideways, 12 Years a slave) est simplement bluffant en procureur antipathique et agressif nourrissant un complexe d’infériorité marqué (notamment face à son père). Quant à Maggie Siff (Mad Men, Sons of Anarchy), elle surprend dans ce rôle de femme forte et dominatrice (dans tous les sens du terme…), qui lui sied à merveille. On pourrait aussi mentionner Malin Akerman, qui interprète l’épouse d’Axelrod – personnage pour l’instant en retrait mais qui devrait gagner en importance au fil des épisodes et réserver quelques surprises… C’est d’ailleurs l’une des qualités de ce pilote, puisqu’il semble que Billions offre à ses personnages féminins une part plus importante que celle qui leur est traditionnellement dévolue : l’épouse complaisante et / ou vénale et la maîtresse entretenue cèdent la place à deux figures de femmes puissantes et complexes, pleinement intégrées au récit.

Malgré tout, ce sont bien les deux héros masculins qui sont au cœur de l’histoire. La construction de l’épisode, magistrale, ne laisse aucun doute à cet égard. Très habilement et sans en avoir l’air, la série présente ces personnages en les mettant en parallèle, en alternant les scènes qui les montrent dans leur environnement professionnel, dans l’intimité familiale ou face à des situations de crise. Habile, le procédé permet de dresser l’inventaire de ce qui les différencie et, plus important encore, de ce qui les rapproche : l’ambition, le sens de la manipulation, la soif de pouvoir, l’orgueil, le besoin de prouver quelque chose…  Le duo, formé du personnage détestable mais du bon côté de la barrière (Rhoades) et de l’anti-héros avenant mais malhonnête (Axelrod) n’a rien d’inédit, mais Billions parvient à s’extirper du schéma convenu en soulignant la dualité de leurs personnalités. Dans les deux cas, cette ambiguïté est suggérée par la juxtaposition de séquences mettant en lumière toutes les contradictions de leur comportement. La première scène montre ainsi un Axelrod généreux, prêt à financer la pizzeria de quartier qu’il fréquentait étant enfant ; dans la scène suivante, le même homme agit en cynique froid et calculateur face à ses employés. De la même manière, les pratiques sadomasochiste de Rhoades traduisent son fantasme de soumission, tandis qu’il apparaît immédiatement après en patron autoritaire et  implacable.

Episode 101

Avec beaucoup d’intelligence, le pilote se garde bien de précipiter une confrontation qu’il préfère construire patiemment, le suspense montant crescendo jusqu’au face-à-face qui ne survient que dans les ultimes scènes. Le premier round de cet affrontement, tout en tensions et en non-dits, est l’acmé de l’épisode, LA scène que l’on attendait depuis le début, aiguillonnés par le jeu du chat et de la souris qui s’était progressivement mis en place.  Nous savons alors qui sont les deux hommes, et  lorsqu’ils se retrouvent enfin dans la même pièce, le spectateur comprend clairement ce qui se joue, quelles motivations ont ainsi poussé les deux héros l’un contre l’autre, et pourquoi leur animosité dépasse le simple cadre judiciaire.

On pourrait reprocher à Billions une certaine prévisibilité dans son entrée en matière, ainsi qu’une tendance à jouer sur les analogies faciles. Sans doute n’était-il pas indispensable de s’attarder sur le chien d’Axelrod, qui urine dans le salon pour – comme l’explique son maître – marquer son territoire, ou qui tombe dans un état d’apathie pathologique après avoir été castré : la rivalité entre les deux héros, mâles alpha cherchant à se dominer l’un l’autre, était déjà évidente. La séquence qui clôture l’épisode, en revenant sur la sexualité sulfureuse du couple Rhoades, est aussi maladroite et n’apporte rien de plus que celle d’ouverture. Mais ces détails sont largement compensés par une mise en scène élégante, une réalisation remarquable et soignée bien que classique, et surtout une écriture intelligente, de l’introduction des personnages à l’exacerbation de la tension, en passant par des dialogues savoureux et chargés de sens.

Avec ce pilote, le doute n’est pas permis : Billions s’annonce comme une série addictive et prometteuse, potentiellement du niveau d’un Ray Donovan. Les personnages, tous intrigants, sont parfaitement interprétés ; le scénario semble aussi calculé et réfléchi que les business plans d’Axelrod ; l’arrière-plan tortueux du monde de la finance a quelque chose d’actuel et de fascinant… Et pourtant, en définitive, la série repose sur un ressort aussi basique mais efficace que l’opposition entre deux héros charismatiques. Preuve que le pari est réussi, on se délecte à l’avance d’une confrontation que l’on attend avec impatience. Si l’on devait spéculer, on vous conseillerait vraiment de placer vos fonds sur Billions – a priori un placement sans risque, avec retour sur investissement garanti. Reste à espérer que la suite confirmera cette première impression. Car les traders et les sériephiles le savent bien : en bourse comme avec les séries, on n’est jamais à l’abri d’un krach inattendu…

Crédit photos : Showtime

Billions – Série de Showtime.

12 épisodes de 50 minutes environ.

Première diffusion le 17 Janvier 2016.

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