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Un Commentaire

Pilote d’essai: Tut (Spike TV)

Pilote d’essai: Tut (Spike TV)
Fanny Lombard Allegra

La review

Pilote
4.5
Casting
5
Scénario
4
Réalisation
4
Envie de voir la suite
5
4.5

Une série qui mériterait presque la méladiction

Pour le lancement de la mini-série Tut sur la chaîne Spike TV, nous partons 14 siècles avant J.C. en Egypte antique. Tut, c’est le petit nom de Toutankhamon, pharaon dont la courte vie, empreinte de mystère, ne cesse de fasciner. Du haut de ces pyramides, 1.7 millions de téléspectateurs ont contemplé le jeune roi. Mais a-t-il tenu toutes ses promesses, ou la proverbiale malédiction de Toutankhamon a-t-elle à nouveau frappé ?

En 1337 avant J.C., Tut (Avan Jogia) n’est âgé que de 19 ans, mais il règne pourtant sur l’Égypte depuis 10 ans. Fils d’Akhenaton, il lui a succédé au trône dans un pays en pleine crise religieuse et politique. Ay (Ben Kingsley), vizir et tuteur de Tut, a profité de son inexpérience et de sa jeunesse pour gouverner à sa place avec la complicité du général Horemheb (Nonso Alonsie – de Game of Thrones) et le grand prêtre Amun (Alexander Siding).  Devenu adulte, le jeune roi prend conscience des difficultés de son peuple et des manipulations dont il est la victime ; il entend bien reprendre les rênes du pouvoir et se défaire de ses conseillers, en commençant par mener l’armée dans la guerre opposant l’Egypte au royaume de Mittani. Laissé pour mort sur le champ de bataille, il parvient à échapper à ses ennemis et tente de regagner Thèbes, où ses conseillers complotent afin de conserver le pouvoir en installant sur le trône sa sœur-épouse Ankhe (Sybilla Dean – Tyrant) et son meilleur ami Ka (Peter Gadiot, vu dans Once Upon A Time), secrètement amoureux l’un de l’autre.

Toutankhamon est sans doute le plus célèbre des pharaons, alors que le peu que l’on sait de sa biographie tient en quelques lignes et qu’il est davantage connu grâce à son tombeau et sa malédiction posthume que pour les actions accomplies de son vivant. Pour autant, nul besoin d’être un expert en égyptologie pour deviner que l’exactitude historique ne faisait pas partie de priorités des scénaristes, qui se sont appuyés sur quelques points de référence pour faire œuvre d’imagination et construire une pure fiction. Contrairement à ce que la promotion semblait promettre, on sera déçu si l’on espère un récit rigoureux : de séquences improbables aux contresens (la guerre contre Mittani quand le règne était axé sur la reprise des échanges diplomatiques), c’est Toutankhamon qu’on assassine !

Heureusement, une série télé n’a pas forcément vocation à transmettre l’Histoire.  Dès lors, reste à déterminer ce que vaut le premier épisode de Tut en terme de fiction. Si l’on considère qu’un pilote a pour but d’introduire les personnages et la situation, la première demi-heure de la série fonctionne plutôt bien. Le récit nous plonge immédiatement dans le vif du sujet : après un court flash-back montrant Tut aux côtés de son père, peu de temps avant son accession au trône, nous revenons au temps de la narration pour des séquences rapides illustrant l’impuissance du pharaon face à la mainmise des grands personnages de sa cour sur les rouages de l’état, son désir d’émancipation, son mariage stérile avec sa sœur-épouse attirée par son meilleur ami, et les premières allusions à la situation intérieure (conflit religieux et misère du peuple) et extérieure (lutte contre les Mittanides).

Ainsi, la lutte pour le pouvoir occupe une place centrale, au moment où le pharaon tente de s’affranchir de l’influence de son mentor Ay,  et cet aspect s’accentue dans la dernière partie de l’épisode, lorsqu’il s’agit de trouver un successeur susceptible de faire office de pantin aux mains des caciques du régime. Mais en parallèle sont aussi lancées des intrigues amoureuses et des conflits sociaux et géopolitiques, des thèmes qui auraient pu servir à définir une trame complexe et dessiner un arrière-plan portant un récit épique. Hélas, l’ensemble perd rapidement de son intérêt. Toutes ces pistes, qui auraient pu être intéressantes, sont traitées de manière superficielle et, une fois lancées, ne connaissent guère de développement substantiel au cours de l’épisode. L’arrière-plan est donc tracé à grands traits en quelques scènes, puis se fige et n’évolue plus, les problématiques se répétant sans être approfondies.

tut2

 

En revanche, l’action proprement dite ne connaît pas de temps mort. Quasi-exclusivement centrée sur Tut, elle progresse à un rythme soutenu. Parfois sans aucun souci de crédibilité : on imagine mal le pharaon, grimé en marchand, dans les tavernes mal famées de Thèbes, et encore moins enrôlé contre son gré dans sa propre armée en tant qu’éclaireur (!!). J’avoue avoir oscillé entre atterrement et fous-rires…  Mais qu’on les juge grotesques ou plausibles, il est indéniable que ces intrigues éveillent la curiosité et elles sont au final assez prenantes – soit qu’on se passionne pour les péripéties de Tut, soit qu’on se demande jusqu’où les scénaristes auront poussé leur délire ! Les scènes de guerre sont également bien amenées, même si elles ne sont pas toujours réussies : certains aspects sont bien rendus – le chaos du champ de bataille, la violence des affrontements, la reconstitution des chars égyptiens – mais la mise en scène est étrangement confuse et l’on en vient à se demander si quelqu’un s’est occupé de donner des consignes aux figurants.  Les quelques séquences – obligées – de sexe et d’orgies sont à la limite mieux chorégraphiées.

On espère toujours de ce genre de série qu’elle soit spectaculaire et épique. De manière générale, c’est loin d’être le cas de Tut qui, sur ce point, déçoit énormément. La mise en scène manque cruellement de maîtrise, tandis que la réalisation reste plate et sans envergure.  Ainsi, les décors ne sont pas exploités comme ils auraient pu l’être et, si le cadre naturel est superbe, la mise en images ne parvient pas à donner une impression d’immensité et l’environnement apparaît étrangement étriqué, sans le recours aux plans larges qui s’imposait . Ne parlons pas des monuments égyptiens, qui font carrément  carton-pâte ! Cela peut paraître anecdotique ; ce défaut empêche pourtant de s’immerger totalement dans un univers déjà bancal.

"TUT" Day 52.Photo: Jan Thijs 2014

 

Il est également difficile de s’attacher aux personnages, qui sont tous stéréotypés. Dès les premières minutes, la démarcation est claire entre les méchants conseillers et le gentil pharaon, et elle est illustrée de manière grossière – imaginez un peu qu’à l’âge de 9 ans, le gamin rechigne  assister aux exécutions et  tient courageusement tête à son père en refusant de poignarder un traître ! Globalement, Tut offre une galerie de personnages potentiellement complexes et qui,  tous, auraient pu être constitués de plusieurs strates contradictoires. Ils sont pourtant réduits à leur plus simple expression et desservis par des dialogues bourrés de clichés et de redondances. Le vizir Ay, le général, le prêtre d’Amon sont des caricatures d’arrivistes prêts à toutes les bassesses et obsédés par le pouvoir. Quant à la reine Ankhe, elle est déchirée entre son devoir envers le pharaon (« Il est notre Roi » serine-t-elle à qui veut l’entendre) et son amour pour Ka (« Mais nous ne pouvons pas » lui répète-t-elle en boucle)… Ce dernier est peut-être le personnage le plus ambigu de la série, mais il reste tout aussi simpliste que les autres.  Le casting, en misant sur une certaine diversité, a au moins le mérite de désamorcer les inévitables controverses sur les origines ethniques du peuple égyptien antique…

Dans ces conditions, les acteurs font ce qu’ils peuvent. Certains s’en sortent mieux que d’autres, à l’instar de Sybilla Dean ou Nonso Alonsie qui restent dans une interprétation qui leur est familière, tout comme Alexander Siding que l’on a déjà vu  à de multiples reprises dans le rôle du traître. On admirera surtout la prestation de Ben Kingsley, qui parvient à tirer tout le parti possible d’un rôle mal écrit et qui pourrait se résumer à celui d’un Iznogoud égyptien – le vizir qui veut devenir pharaon à la place de Pharaon…  Le pharaon, justement : Avan Jogia reste crédible dans le rôle de Tut mais il manque de charisme et son jeu n’a rien de subtil.

"TUT" Day 35.Photo: Jan Thijs 2014

Au terme du premier épisode, le bilan est plutôt négatif. Il laisse l’impression d’une série bâclée, en décalage avec les ambitions affichées par les bandes annonces et les promotions diffusées par la chaîne. En fait, Tut fonctionne comme une pyramide inversée : on annonçait une fresque spectaculaire et recherchée sur les luttes de pouvoir autour de la figure mythique de Toutankhamon ; on aboutit à un épisode paresseux et confus, fatras de tribulations improbables, d’intrigues de palais et d’amours contrariées, mais qui constituerait un sympathique téléfilm d’après-midi.

Si l’on s’attend à un péplum politique sur la manière dont le jeune Toutankhamon tente de s’émanciper de la tutelle des puissants pour exercer le pouvoir, la déception sera cuisante. Mais si l’on se contente d’un récit sans grande ambition, mêlant romances, aventures, scènes de guerre et complots sur un vague arrière-plan pseudo-historique, Tut distrait et se laisse regarder. Cela dit, si j’étais la scénariste de la série, je serais très prudente : Howard Carter a été maudit pour moins que ça…

Tut – série diffusée par Spike TV, inédite en France.

3 épisodes de 2 heures.

Crédit photos : Spike TV