« Pourquoi ai-je choisi ce visage? »
La série Doctor Who a fait son grand retour ce samedi 23 août. Avec cette huitième saison, la série proposait également un nouveau visage à son Doctor : celui de Peter Capaldi. Le changement d’acteur n’a pas laissé les fans indifférents comme on a pu le voir sur les réseaux sociaux et certains ont même été surpris par l’âge du nouveau Doctor. Et justement, comme pour répondre à son public, ce premier épisode nous offre, non pas un scénario exceptionnel, mais plutôt un message admirable.
Les fans de la série le savent pertinemment : chaque changement de Docteur est comme un déchirement. Forcé de lâcher un personnage, et bien souvent un jeu d’acteur auquel on s’était habitué, on en viendrait presque « à maudire » la venue du futur docteur. En ne connaissant pas nécessairement le nouvel acteur, sur quoi se basent alors certains lorsqu’ils en viennent à le critiquer ? Sur le physique du petit nouveau, et juste dessus. Dans cette nouvelle saison, on assiste à un changement radical : Eleven (joué par Matt Smith, acteur étant, à ce jour, le plus jeune interprète du Docteur) se régénère en un Docteur beaucoup plus vieux. Plus âgé, le personnage semble être sévèrement « marqué par le temps ».
En revenant sur les précédentes régénérations du Docteur depuis la reprise de la série en 2005, Nine était plus vieux que Ten, et Ten était plus vieux que Eleven. On a donc eu des régénérations « décroissantes ». Et le personnage suivait aussi cet ordre si l’on se réfère à son comportement. Chaque fois, le personnage du Docteur « s’adoucissait » un peu plus. Evidemment, la présence de certains compagnons clés comme Rose ou Amy n’y a pas été pour rien, mais l’âge joue aussi. En effet, il y avait un certain contraste entre le fait qu’il continue de vieillir puisqu’il a environ 2000 ans, et une apparence physique qui le rendait apparemment plus jeune. Et le problème avec ce nouveau changement, c’est qu’il casse cette dynamique « décroissante ».
La question qui se pose alors est : Le Docteur va-t-il changer ou mieux, a-t-il déjà changé ?
Ce qui est intéressant, c’est qu’il n’y a pas que le spectateur qui se pose cette question ; il y a aussi Clara. Si l’on se concentre sur les événements survenus lors de ce premier épisode, effectivement, les choses ont changé. Le Docteur ne semble plus lui même, on se demande s’il a encore quelques souvenirs de sa précédente régénération. En effet, il mélange les noms ou même ne s’en souvient plus, il semble désorienté, avoir peur et un peu plus loin dans l’épisode, semble même plutôt violent (« la violence » avec laquelle il demande le manteau du clochard dans la rue m’a particulièrement choqué). A ce stade, on se demande si le Docteur, tel qu’on le connaissait, ne fait pas déjà partie du passé.
Parallèlement à notre réaction, il y a celle de Clara. Elle non plus ne reconnaît pas le Docteur et n’accepte pas son « changement ». L’ambiguïté sentimentale qu’il y a eu entre eux deux n’arrange guère les choses. Elle dit ne pas le reconnaître, et ne pas être sûre de savoir qui il est. Pourtant, Clara pourra compter sur l’aide de Jenny et de Madame Vastra pour l’aider à comprendre le Docteur. Leur rôle dans cet épisode est fondamental. Elle sont là pour lui rappeler que le Docteur est toujours là, qu’il reste lui malgré le changement et que, malgré sa nouvelle apparence, le Docteur reste le Docteur, et que ce dont il a besoin, c’est de savoir que les choses resteront comme elles étaient malgré son changement. Et là aussi, nous faisons face à un élément intéressant. Il n’y a pas que Clara qui a un problème avec ce changement : Le Docteur aussi en a un. Pour commencer, on ne repart pas tout de suite dans l’action avec cet épisode. En effet, cet épisode est un peu une remise au point pour les spectateurs et pour les personnages. A la différence des régénérations précédentes où l’on restait dans la même action avec le passage de Nine à Ten, ou que l’on changeait d’histoire avec le passage de Ten à Eleven, on fait ici un peu comme une sorte de pause. Comme une fixation sur Twelve. Comme si l’on ne voulait pas voir partir Eleven (« on » étant à la fois Clara ou le spectateur).
Et finalement, pourquoi avoir choisi ce visage ? D’abord, Twelve ne se souvient plus où il a vu ce visage. Nous, nous le savons, il provient du personnage Vésuvien qu’incarnait Peter Capaldi dans le EP02S4 : La Chute de Pompéi (une manière habile pour Moffat d’inclure dans « l’histoire » le fait que Capaldi ait déjà joué dans la série). Rappelez vous, ce personnage avait assisté à la destruction de sa ville tout entière. Et comme je l’ai dit précédemment, son visage semble avoir été marqué par le temps et les événements de la vie, par la fatigue, par les doutes, par des peines ou encore par des incompréhensions. Et si ces précédentes régénérations n’étaient que des masques pour cacher tous ces sentiments ? Et si ce nouveau visage était un abandon du masque, un retour à la réalité ? « Il est… vieux », « Vous pensiez qu’il était jeune ? », « Il semblait jeune ! » (Clara et Madame Vastra).
A travers cet épisode, on ressent clairement cette peine que ressent le Docteur quant au jugement dont il fait l’objet. Sur le plan fictionnel, cette peine est causée par Clara. Mais ne serait-ce pas aussi, un message destiné aux spectateurs ? Cet épisode, sur le thème du changement, parle de l’identité d’un individu. Le fait de changer d’apparence ne fait pas de vous une nouvelle personne. Pas complétement. Pas intérieurement. Et c’est ici un beau message que nous transmet Steven Moffat. On ne rejette pas le changement : on s’y adapte.
Enfin, ingénieusement, les scénaristes ont placé quelques références à certains docteurs emblématiques de la série, afin de montrer que dans sa confusion, Twelve reste ceux qu’il a été avant, et ce malgré une volonté d’avancer: une référence à Four lorsqu’il pense à mettre une écharpe et se rétracte en disant : « Non non non, il faut que je passe à autre chose, ça paraîtrait stupide.. », et plusieurs références à Eleven. La première lorsqu’il mentionne Amy et le fait qu’elle lui manque. La seconde, un « Geronimo » dit ensemble avec Clara. Enfin, l’apparition même de Eleven au téléphone. En effet, à la fin de l’épisode, Clara reçoit un coup de fil: c’est Eleven. Il Lui téléphone depuis Trenzalore, il lui prie d’aider son nouveau lui, lui assurant qu’il est bien lui mais qu’il a simplement peur et qu’il a besoin de soutient sans jugement. Le « Au revoir » final d’Eleven ainsi que la référence significative à Four appuient l’idée de Moffat : sans dénaturer la série, il explique qu’il est temps de passer à autre chose.
La série avance et change tout comme le Docteur et son univers. Le spectateur est donc invité à faire de même.
Crédits: BBC
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Cathy
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Anaïs Lubineau
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Rémy M.
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charpaton