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Proof: la vérité est ailleurs

Proof: la vérité est ailleurs
Fanny Lombard Allegra

Y a-t-il une vie après la mort ? Voilà l’interrogation existentielle à laquelle tente de répondre Jennifer Beals, héroïne de Proof. Question au moins aussi importante pour la chaîne TNT, qui a lancé la série : y aura-t-il une seconde saison après la première ? Alors que 5 épisodes ont été diffusés à ce jour, la nouvelle création de Tom Bargin, produite par Kera Sedgwick (héroïne de The Closer), voit ses audiences en baisse régulière et les critiques sont très mitigées… Proof est-elle déjà en expérience de mort imminente, et faut-il la sauver des flammes de l’enfer télévisuel ?

Carolyn Tyler (Jennifer Beals – à la TV dans The L-Word, Castle ou Lie To Me) est un brillant chirurgien, mais en pleine crise existentielle. Son fils est décédé un an auparavant dans un accident de voiture, son mariage avec le Docteur Len Barliss (David Sutcliffe) n’a pas survécu à la tragédie et ses relations avec sa fille Sophie, une adolescente perturbée, sont tendues. Un jour, son directeur lui impose de rencontrer Ivan Turing (Matthew Modine, surtout connu pour son rôle dans Full Metal Jacket), milliardaire prêt à effectuer une importante donation à l’hôpital où elle travaille, à une condition : atteint d’un cancer, il se sait condamné à brève échéance et souhaite financer le médecin afin qu’elle mène une étude sur l’existence – ou l’absence – d’une vie après la mort. Bien qu’ayant elle-même vécu une expérience de mort imminente après un tsunami, au cours de laquelle elle pense avoir revu son fils, le Dr Tyler est une cartésienne pure et dure, et elle refuse même d’envisager un tel projet. Viscéralement sceptique, elle finit toutefois par se laisser convaincre et, secondée par son interne Zed Badawi (Edi Gathegi – vu dans Dr House) et par une assistante de Turing, elle accepte d’enquêter de façon scientifique sur les cas les plus troublants et de réunir des preuves confirmant ou infirmant l’hypothèse d’un au-delà…

Sur le papier, le projet séduit mais laisse dubitatif et on peut s’attendre à une série ambitieuse, intelligente et subtile, ou tout au contraire à une accumulation de poncifs et de maladresses. Proof se situe quelque part entre les deux, s’appuyant sur de bonnes idées qu’elle n’exploite pas totalement. Sa construction est un peu bancale, et elle s’enferme surtout dans des clichés et dans une binarité qui lui interdisent d’appréhender son sujet dans toutes ses nuances.

Proof repose sur une structure bien connue : chaque épisode contient une intrigue résolue en 45 minutes – en l’occurrence, un cas traité par le Docteur Tyler – et développe en parallèle une trame de fond qui court sur l’ensemble de la série. Celle-ci approfondit la situation personnelle de son héroïne en exploitant ses ambiguïtés et ses contradictions : scientifique cartésienne refusant d’envisager toute théorie paranormale, elle est troublée par son propre vécu. La mort de son fils et son expérience de mort imminente représentent en théorie le point de jonction entre le fil conducteur de l’épisode et celui de la série. Malheureusement, le lien reste ténu et a du mal à fonctionner car les cas présentés sont trop superficiels et trop différents pour constituer un socle solide et cohérent. En fait d’expérience, le Docteur Tyler choisit ses cas d’étude au petit bonheur la chance, sans aucun protocole susceptible de crédibiliser le cadre médical. La diversité des intrigues ponctuelles répond évidemment à une nécessaire variété dans la narration, et permet d’aborder des thèmes aussi divers que la réincarnation, les projections extracorporelles, les apparitions spectrales, l’hypnose, les régressions dans des vies antérieures ou la communication avec les morts… L’absence d’une ligne directrice claire affecte la cohérence de la série et il manque un point d’achoppement, un élément commun qui permettrait de relier tous les sujets entre eux. Les scénarii partent dans tous les sens : une petite fille dans le coma se réveille et parle d’aïeux décédés qu’elle n’a pas connus ; un soldat déployé en Irak pense souffrir d’un syndrome de stress post traumatique contracté dans une vie antérieure lors de la guerre de Corée ; un veuf vit avec le fantôme de son épouse décédée, un tueur de flics revient d’entre les morts pour aider une jeune femme assassinée… Pris indépendamment, ces épisodes sont distrayants et la trame surnaturelle, malgré quelques ressorts convenus, fonctionne assez bien pour donner envie de, connaître le fin mot de l’histoire. Une ou deux scènes particulièrement réussies (une bataille dans la neige, filmée selon plusieurs points de vue dans l’épisode 3) pimentent une réalisation un peu plate.

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S’éparpillant dans des récits épisodiques somme toute corrects, Proof déroule en revanche un axe feuilletonnant uniquement focalisé sur Carolyn Tyler. Jennifer Beals campe à la perfection cette femme forte, qui cache ses failles et ses faiblesses derrière une froideur et une dureté de façade ; elle a l’intelligence de ne pas surjouer une vulnérabilité qui n’affleure que par petites touches. Malheureusement, elle ne parvient pas à compenser la construction simpliste de son personnage, trop uniforme. On regrette aussi l’absence de réelle relation entre les différents protagonistes, sans doute en partie parce que les seconds rôles restent pour l’instant dans l’ombre. Ainsi le milliardaire Ivan Turing (clairement inspiré de Steve Jobs) n’apparaît que brièvement, tout comme l’interne assistant l’héroïne. Un début d’intrigue est esquissé autour de son personnage dans l’épisode 3, et si elle parait peu pertinente au regard des thèmes abordés jusque-là, elle permet au moins de faire légèrement progresser la dynamique. Cet épisode est également l’occasion d’introduire un nouveau personnage qui deviendra de toute évidence récurrent : celui du voyant médiatique Peter Van Owen (Callum Blue, Royal Pains), médium et écrivain naturellement enclin à appuyer la théorie de phénomènes paranormaux et d’une vie dans l’au-delà, et dont les croyances heurtent les certitudes du Dr Tyler. En clair, voilà le Mulder de notre Scully…

La comparaison s’impose mais elle survient peut-être trop tôt pour juger de sa pertinence. D’autant qu’on ne retrouve pas chez les héros de Proof la souplesse et l’ouverture d’esprit qui permettaient aux enquêteurs d’X-Files d’évoluer et de réévaluer leurs points de vue pour sortir d’une opposition basique entre scientifique et paranormal. Pour le moment, Proof échoue sur ce point, car elle oppose des personnages monolithiques et reste beaucoup trop binaire, à de nombreux égards.

Bien que Proof se garde de prendre parti , présentant une explication rationnelle et laissant en même temps la porte ouverte à la théorie paranormale, elle ne s’éloigne jamais de cette dichotomie fondamentale : le surnaturel face à la science. Les points de vue se succèdent sans vraiment se confronter parce que l’émotionnel se heurte au rationnel, sans ébranler les convictions ni des personnages, ni du téléspectateur. On frôle parfois un pathos qui s’oppose à la froideur clinique de la mise en scène, manifeste dans des plans caractérisés par une photographie aux teintes bleutées. L’idée fonctionne dans le cas du Docteur Tyler, en ce qu’elle représente parfaitement un personnage en perpétuelle quête de contrôle au moment où sa vie personnelle part à vau-l ’eau. Mais le reste du temps, cette dualité engendre une impression d’artificialité qui maintient le spectateur à distance et l’empêche soit d’adopter le regard clinique de l’héroïne, soit d’entrer en empathie avec les personnages.

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Cette volonté de traiter la question de la vie après la mort uniquement selon ces deux perspectives – scientifique et sceptique d’un côté, surnaturelle et émotionnelle de l’autre – résulte d’une erreur originelle dans la problématique même de la série. Car au fond, l’interrogation de l’existence d’un au-delà n’a d’importance que par rapport à l’existence ici-bas. C’est-à-dire que la vraie question n’est pas de savoir s’il y a quelque chose après la mort, mais de savoir comment, dans ce cas, cela nous affecterait – dans notre comportement, notre vision de la vie, notre rapport aux autres. Globalement, la réflexion pure est totalement absente : sur le plan psychologique, Proof se contente d’enchaîner les banalités, et elle n’a pas encore osé effleurer la dimension spirituelle de son sujet, ni l’impact de l’environnement culturel ou ethnique sur les croyances en la matière. Il lui manque le courage de transcender une question intéressante mais sans grande portée dès lors qu’on la résume à une simple expérience scientifique, sans l’amener à un niveau métaphysique.

A mi-saison, Proof a du mal à convaincre. Avec pour point de départ le mystère de l’au-delà, la série pouvait s’appuyer sur une littérature abondante et nourrir ses intrigues de toutes les réflexions religieuses, philosophiques et scientifiques produites sur ce sujet controversé. Pourtant, elle reste en surface, proposant une série à mi-chemin entre le drame médical et le fantastique, qui se regarde sans enthousiasme et décevra tous ceux que passionne le thème de la vie après la mort. Mais si l’on attend rien d’autre qu’un divertissement, Proof reste plaisante en dépit de situations attendues et parfois un peu trop mélodramatiques. En attendant, on ne sait toujours pas s’il y a une vie après la mort, ni même une saison 2… A suivre.

Proof – en cours de diffusion sur TNT.

10 épisodes de 45 minutes.

Crédit photos : TNT

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Jennifer Beals Proof Kera Sedgwick producer Proof season 1 Proof TNT