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Simon Astier: Un auteur et son univers

Simon Astier: Un auteur et son univers
Alexandre LETREN

Recevoir Simon Astier en interview pour un journaliste c’est la garantie d’avoir toute la matière nécessaire pour parler du métier de scénariste. Le garçon a des choses à dire et il les dit avec toute la passion qui l’anime. Car quoi qu’on pense de sa série Hero Corp (on aime plus ou moins telle ou telle saison), on est certains d’avoir devant nos yeux: 1) un univers reflétant la personnalité d’un auteur; 2) une vraie proposition dans un paysage sériel français qui peut, par moment, donner l’impression de se chercher encore. Dès lors, malgré des grosses réserves sur la saison 3, c’est avec un plaisir et un intérêt non dissimulé que j’ouvre la discussion avec lui pour évoquer la suite de la série, mais aussi jeter un regard sur la fiction française en général. Et comme à Season One on trouve primordial de soutenir les initiatives intègres et honnêtes en matière de série, c’est tout naturellement qu’on voulait prendre le temps de rencontrer et échanger avec Simon Astier à l’occasion de la diffusion sur France 4 des nouveaux épisodes de la série.

Season One: Quel bilan tirez-vous de la saison 3? Ce qui a marché et moins marché?

Simon Astier: Après la saison 3, il était important de retrouver ses esprits. On était tous dans l’énergie de la reprise de la série. La fièvre de ce retour a fini par retomber et il fallu se mettre dans une autre énergie, celle de continuer la série et de lui donner des ambitions encore plus grandes. La première chose sur laquelle on s’est interrogés fut le format. J’ai toujours conseillé aux gens de regarder la saison 3 en 35 minutes car en 7 minutes, ça convenait moins bien car je n’ai jamais voulu être dans l’énergie d’un programme court. J’ai toujours voulu dès le début d’une saison matraquer les gens avec plein d’intrigues, d’enjeux et de personnages pour que tous ces éléments évoluent et que, dans la dernière partie de la saison, on profite d’avoir la connaissance de tout ce que l’on a lancé et de voir comment tout va s’imbriquer. Ma première réflexion a donc été de dire que je voulais changer de format ce qui n’a pas été dur à aborder avec la chaine car on a une vraie relation avec France 4. Il était important qu’on puisse se concentrer sur l’intrigue puisqu’on est encore plus feuilletonnants cette saison. Je ne sais faire Hero Corp que si c’est pour tendre à chaque fois l’élastique un peu plus fort. Sur le format, France 4 m’a tout de suite dit oui sans avoir besoin de justifier.
L’autre aspect que j’ai abordé pour faire le bilan de la saison 3 c’est que ce fut une saison pour moi difficile à faire et à voir car, j’aime vraiment beaucoup mes personnages mais il a fallu cette saison les malmener. Et malmener comme je l’ai fait le personnage de John, le voir se faire manipuler, le voir devenir à ce point sombre m’a fait de la peine pour lui.
Dans cette saison 4, j’ai voulu donc travailler sur la rédemption. On est proche de la fin de Hero Corp et on va aller vers une vraie réflexion sur ce qu’est le pouvoir. On va vraiment se demander ce que le fait d’avoir de grandes capacités implique pour nos personnages. Est-ce que le fait d’être sympathique, d’être une bande et d’être ensemble suffit pour honorer ce qu’ils sont au fond?
En travaillant la dessus, je me suis fait surprendre et j’ai fait quelque chose que je n’aurais jamais osé faire il y a quelques années: cette saison va vers quelque chose de positif. Est-ce que finalement l’amour ne sauverait pas tout?  Et si j’avais du vendre ça au début, ça n’aurait sans doute pas marché.

Season One: Cette évolution ne vient-elle pas aussi de fait que la saison 3 était très (trop?) sombre?

S.A: Mais c’était nécessaire pour l’évolution de ce personnage. C’est comme si on était dans sa tête à lui. On n’a aucun témoin de la réalité. C’est le principe de l’angoisse pour moi. Quand on est soi-même dans son angoisse, on a l’impression que le monde n’est fait que de choses violentes et dures. Mais si on décale son attention et qu’on se met « à côté de soi », on découvre une réalité plus neutre que ça et que l’on peut modifier. C’est ça la saison 3 de Hero Corp. On est à l’intérieur de l’angoisse de John, du poids de ce qu’il a vécu et de ce qu’il n’a pas vécu et qui l’empêche de voir le monde tel qu’il est réellement, son incapacité à s’ancrer dans le présent et à devenir adulte. John se retrouve face à son propre démon intérieur. La saison 3 n’était pas sombre pour être sombre. Ce n’était pas juste une pirouette scénaristique. C’était quelque chose que je souhaitais raconter et qui faisait forcement écho à des choses que je connaissais.

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Season One: En saison 3, il y a eu un vrai pari sur le dispositif transmédia. Aura-t-on le même genre de dispositif en saison 4 ou est ce que là aussi, les choses vont changer?

S.A: Sur Hero Corp, on a un peu essuyé les plâtres sur tout. La saison 3 a été un « feu d’artifice » de transmédia. Sur la saison 4, on a passé un cap au niveau de l’esthétique de la série qui est le fruit d’un investissement à perte de notre part mais avec une vraie envie de proposer quelque chose. On a cette saison le même budget pour la série mais on veut aller plus loin. Et c’est pareil sur le transmédia. Cette année, le transmédia prend le relais de la narration. J’assume le fait que si on ne suit pas ce qui se passera en parallèle de la diffusion antenne, il manquera des clés. Ce n’est pas toujours facile d’obtenir des aides pour le transmédia car c’est encore  considéré comme un produit dérivé alors qu’on considère nous que ça sert la narration. On ne fait pas du transmédia parce que c’est l’époque qui veut ça mais parce que c’est un outil en plus pour raconter l’histoire. Ça ne signifie pas que ceux qui ne verront que la série à la télé seront perdus, juste qu’il leur manquera quelque chose. On va être collés à la narration avec une websérie en parallèle de la diffusion antenne, mais on aura aussi quelque chose de différent avant la diffusion car j’ai toujours aimé raconter l’inter-saison. La raconter permet de se libérer sur son premier épisode de la nouvelle saison en ne se sentant pas obligé d’en faire un épisode qui raccroche les wagons avec la saison passée.

Season One: Ce dispositif là était déjà présent en fin de saison 3 avec ce cliffhanger supplémentaire. Ce qu’on voit en ce début de saison 4 y fait directement écho.

S.A: J’ai toujours vu le dispositif transmédia comme un mode de narration supplémentaire. Il m’a permis de soigner la fin de saison 3 et créer un cliffhanger, ce que j’adore en tant que fan de séries.
Cette saison, on explore quelque chose d’encore différent avec le cliffhanger de fin de saison. J’ai à mon sens plus fait un final cette année. Une manière d’aller au bout de ce que l’on raconte. La fin de la saison ne sera pas juste un climax qui s’arrêtera au moment où quelque chose va se passer. On va voir ce qui va se passer, tout en ouvrant sur la suite.

Hero Corp reste un laboratoire et avoir cette liberté là en télé est juste une chance incroyable. Au final, le problème des moyens ne se pose plus pour moi. On attendait beaucoup de la TNT à son arrivée, on s’est tous dit qu’on y aurait plein de laboratoires différents qui allaient s’ouvrir, avec plein de couleurs. Au final, je n’arrive pas à voir qui explore vraiment le fait d’être sur la TNT à part France 4. Je ne vois pas vraiment à part France 4 qui sur la TNT s’attache plus au contenu qu’aux scores. On aurait aimé voir naître pleins de séries partout, autres que des programmes courts.

Hero corp Saison 4 - MiqueSeason One: En même temps, c’est « terrible » car vous êtes la preuve sur Hero Corp ou sur d’autres programmes qu’on peut faire de bonnes séries avec finalement peu de moyens…

S.A: C’est vrai. Mais en même temps, le problème des séries petits budgets c’est qu’on pousse les limites jusqu’à la limite de l’acceptable. Je crois en la force du groupe, de l’équipe et c’est ce que j’ai toujours essayé de faire: rassembler des gens autour d’un projet et le porter tous ensemble pour le faire grandir. C’est une philosophie de vie et c’est un thème que je raconterai sans doute souvent dans ce que je ferai. Je trouve qu’aujourd’hui, sur la saison 4, la production value est incomparable avec tout ce qu’on a fait avant. Mais ce n’est jamais en tirant sur la corde de mon équipe. Ce n’est pas en les emmenant en heures sup’ pas payées. C’est en investissant à perte. On pense qu’on peut peut-être s’en sortir derrière parce que c’est une série qui vend ce qu’elle sort. Et au pire, même si on ne s’en sort pas, on sait qu’on aura fait quelque chose qui nous ressemble. Mais mon but n’est pas de « tirer » sur les gens qui travaillent. Ce n’est pas à mon équipe de payer le fait qu’on n’est pas assez d’argent. Je culpabilisais beaucoup au début d’envoyer ce message dont vous parliez. Aujourd’hui, je n’envoie pas ce message. Je dis bien que ce n’est pas possible de faire de la façon dont certaines personnes le pensent. Mais plus largement, cette méthode de travail va forger une génération de gens qui auront appris à travailler avec moins d’argent. Et quand on nous donnera plus d’argent, on saura où l’utiliser.

Aujourd’hui, si on veut agrandir l’offre de séries, si on ne veut pas qu’il y ait uniquement les grosses séries hertziennes qui doivent rassembler un maximum de gens, il faut peut-être mieux redistribuer l’argent. Et créer de vraies identités aux chaînes. Qu’il y ait des groupes de chaînes sur la TNT c’est bien mais il faut que ces groupes fonctionnent réellement comme des groupes.
Si j’étais producteur, je ferais en sorte d’avoir une grosse franchise hertzienne qui réponde aux attentes d’une grosse chaîne pour pouvoir, avec ces revenus là, investir davantage dans une plus petite série.

Et si on terminait cet entretien en écoutant Simon Astier? L’écouter nous parler de Profilage, et de l’après Hero Corp surtout. Comment faire avancer son nouveau projet? La réponse c’est ici que vous l’aurez!!!