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3 Commentaires

The Tunnel: une création vraiment originale?

Alexandre LETREN

La review

LA SAISON
7
LE SCENARIO
7
LE CASTING
6.5
6.8

REUSSITE

Un nouveau remake mais une réussite dans le genre

The tunnel fait ses débuts sur Canal+. Adaptation d’une série suédo-danoise, Broen, elle même déjà adaptée cet été aux Etats-Unis sous le nom de The bridge (FX), elle est le fruit d’une co-production entre l’Angleterre et la France, entre Sky Atlantic et Canal+. Plutôt que de rentrer dans le détail de la série, je préfère essayer de me pencher sur la pertinence d’une nouvelle adaptation de Broen. Canal+ a-t-elle bien fait d’adapter la série?

Le corps d’une femme est retrouvé exactement à la frontière franco-britannique. La police française et anglaise est appelée sur les lieux : Elise Wassermann de la DPJ de Calais et Karl Roebuck son homologue de Folkestone. La victime est une femme politique française connue, mais ce qui, au premier coup d’oeil, a l’air d’être un simple meurtre va finalement se révéler beaucoup plus complexe et inquiétant, obligeant les polices française et britannique à enquêter ensemble. Face à un meurtrier décidé à dénoncer de la manière la plus saisissante la faillite morale de la société moderne, les deux policiers anglais et français vont devoir entamer une collaboration quelquefois difficile pour traquer un tueur en série redoutable.

Commençons déjà par dire que, indépendamment de la série originale, The tunnel version Canal+ est une bonne série. Le duo d’enquêteurs fonctionne bien, Clémence Poésy est très convaincante dans son rôle de Elise Wassermann, légèrement associable et qui se révèle beaucoup plus intéressante que Diane Kruger qui cherchait un peut trop à mon goût à singer le personnage de Carrie dans Homeland.
De plus, The tunnel est une série qui fait écho à notre époque un peu trouble. La série est une enfant de la crise, un bon exemple de la situation européenne actuelle, où un tueur entend punir à sa manière notre société pour la décadence dans laquelle elle est tombée et dans laquelle elle nous entraînerait.
Mais ce qui a éveillé mon interrogation juste après la projection, ce ne sont pas les qualités de la série, bien réalisée par ailleurs, mais sa pertinence dans le créneau de la Création Originale revendiquée par Canal+. Et à ce petit jeu, j’avoue que mon avis sur la question est quelque peu nuancé, même plus nuancé aujourd’hui qu’il ne l’était au sortir de la projection il y a quelques semaines.

tunnel 3

Au départ, j’avoue que j’étais septique quant à l’intérêt d’une telle mise en chantier si ce n’est pas pour en livrer une version différente. Faire un remake n’a de sens que si c’est pour en offrir une vision et une version différente de l’original, un peu comme ce qui a été fait avec Battlestar Galactica. Et quand en plus, la série d’origine se révèle être une grande réussite, on se demande pourquoi ne pas juste la diffuser plutôt que de la refaire.
De plus, en tant que spectateur aimant les séries de Canal+, on me fait dès le départ la promesse de voir « une création originale« , promesse incompatible pour moi avec la notion même de remake. Amusant au passage de voir Dominik Moll, réalisateur des deux premiers épisodes de la série (et du film Harry, un ami qui vous veut du bien), préférer le terme adaptation à celui de remake alors qu’il y a tant de plans identiques dans le pilote qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à ceux de la version originale et de la version américaine (la scène d’arrivée dans le commissariat du flic avec les croissants/beignets selon les versions). Bref, malgré les indéniables qualités de la série, je n’en comprenais pas la raison d’être.

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Mais, avec le temps, mon opinion change, ou tout du moins s’atténue. Après tout, ne fait-on pas des adaptations dans pleins de pays différents d’œuvres littéraires, de pièces de théâtre sans que cela ne pose le moindre problème. Il y a ainsi beaucoup de versions différentes de Dracula, de Les Misérables, et Comme d’habitude est la chanson la plus reprise au monde. De plus, on ne va pas se mentir, il n’est absolument pas garantit que le public de Canal + aurait forcement regardé Broen, au rythme et à l’ambiance si particuliers alors qu’il prendra peut-être du plaisir à découvrir cette « version française« .

Mais c’est en discutant avec Fabrice de la Patellière (responsable de la fiction de la chaîne) que j’obtiens une réponse qui m’intéresse. La série Broen matérialise les différences et oppositions entre deux pays « frères » en jouant sur des aprioris ou des références culturelles que chacune des deux parties a sur l’autre. Dans le cas de la version américaine, pas de problème, la culture américaine et ce qui s’en rapproche est tellement « universelle » qu’elle parle à beaucoup de gens. En revanche, le public français (et anglais) peut se sentir loin de toutes les références faites dans Broen, n’ayant pas connaissance de leur passé commun. En faisant The tunnel, on ramène le public et téléspectateur à des considérations qui lui sont plus familières, qui lui parlent. On peut ainsi utiliser une histoire commune à chaque version mais en la plaquant sur un environnement familier et un quotidien qui lui parle. Ainsi on légitime l’utilité d’un remake. De ce remake. On ne change pas une histoire qui est parfaite de bout en bout, on ne fait que modifier l’environnement dans lequel elle prend place.

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Au final, je dis oui à The tunnel, belle série, passionnante, bien jouée, bien écrite et réalisée. Je dis oui à l’idée d’en faire une version qui nous parle plus à nous français ou britanniques. Mais je maintiens que lorsqu’une chaîne me fait la promesse de montrer des œuvres originales, et qu’en plus, elle m’a prouvé qu’elle était capable de créer des séries qui parlent de mon pays, de notre époque (Engrenages, Reporters, La Commune), je n’attend pas d’elle qu’elle me propose des remakes, que ce soit dans ses productions comme dans ses acquisitions (cf achat de Drôles de dames). Dans ces mots, il ne faut pas voir autre chose qu’un amour des séries Canal et de ce que j’en attend. 

Crédits: © CANAL+/Jessica Forde