Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Top

2 Commentaires

« Tu verras ça devient super à l’épisode 4″

Alexandre LETREN

Combien de fois, nous journalistes, avons-nous entendu en projection presse une phrase du type « tu verras c’est encore mieux plus tard dans la saison » ou « ça devient mieux à partir de l’épisode 3″? Une phrase qui, à elle seule, reflète bien le mal qui ronge les séries françaises (en tout cas dans leur grande majorité): elles ne savent pas faire de bons premiers épisodes…Pourquoi? Tentative d’explication et rencontres avec quelques créateurs français de séries.

Mais si, ne bouge pas, ça va vraiment devenir super comme série!!!

Mais si, ne bouge pas, ça va vraiment devenir super comme série!!!

Septembre 2012. Nous sommes conviés à une rencontre presse avec le scénariste principal et les comédiens de la saison 2 de XIII (Canal+). En préparation à cette rencontre, nous recevons les épisodes 1 à 6 de la saison. Durant le repas, comédiens et scénaristes nous ont répété à l’unisson « vous allez voir à quel point la série est incroyable à l’épisode 8″ (ceux que nous n’avons pas encore vu…) ou encore « bon il faut passer les 3 ou 4 premiers épisodes d’exposition mais après c’est vraiment bien« . Comment vous dire??? Non je n’ai pas envie d’attendre 4 ou 5 épisodes (sur 13) pour que la série démarre. Et, comme moi, bon nombre de téléspectateurs ne le feront pas non plus et déserteront la série.
Quand on s’intéresse aux séries françaises et qu’on les regarde toutes, on se rend compte que cette constatation de ratage du ou des premiers épisodes est extrêmement répandu. Trop répandu.

« C’est très compliqué un premier épisode parce qu’on sait qu’on y joue beaucoup de choses dessus. On a eu l’avantage d’avoir un accueil particulier. Les gens étaient contents qu’une série comme ça existe. Tu as envie de poser un univers, les personnages, les enjeux. Mais tu joues la vie de ta série sur le premier épisode. »
(Simon Astier sur Hero Corp)

hero-corp

Le premier qui touche à notre histoire aura affaire à nous

Le cas de Hero Corp ou d’autres séries faites par des scénaristes qui connaissent et aiment les  séries n’est malheureusement pas assez répandu. Cela devrait être la norme. Mais il n’en est rien.
Malgré le passage des séries françaises au 52 minutes, on continue de programmer les séries sur le modèle du film (au mieux 90 minutes soit deux épisodes) et on construit les séries sur ce modèle là. Ainsi il  n’est pas rare de voir les enjeux de la série posés dans le second épisode (qui termine la soirée) et non dans le premier qui, en théorie, devrait servir de pilote. Voyez l’exemple de Des soucis et des hommes (France 2). Durant la quasi totalité des deux premiers épisodes, la série tend à être une série de potes, à l’ambiance plutôt cool et décontracté. Mais d’un seul coup, à la fin du second épisode, le corps d’un homme est retrouvé dans un coffre et on bascule dans le polar. En revanche, dans Desperate Housewives (le ton y est identique et la comparaison quasiment voulue), c’est dans la séquence pré générique du premier épisode que tout se joue en se clôturant avec le suicide de Marie-Alice Young.

C'est pas possible d'écrire un truc pareil!!!

C’est pas possible d’écrire un truc pareil!!!

Un premier épisode de série, ça se travaille comme le dit Simon Astier car c’est de ce premier épisode que dépend l’avenir de la série. Il faut rendre beaucoup plus systématique en France la pratique du pilote ou, dans le cas de nouvelles saisons, de « season premiere » à l’américaine.
Trop souvent en France, c’est la saison d’une série qui fait office de pilote. Or avec nos saisons courtes (6 à 8 épisodes en moyenne) et notre diffusion par deux, c’est en 3 ou 4 semaines que le sort d’une série est réglé. C’est donc peu de dire que, plus qu’ailleurs, blinder le premier épisode d’une série est vital car on aura certainement pas le temps derrière de corriger le tir: « C’est beaucoup de travail. On met beaucoup de temps à faire le premier épisode. On le réécrit plusieurs fois si besoin. On doit même parfois remonter des scènes car au montage, ça ne va pas. On est tous très attentifs à ce que ce premier épisode accroche les gens » (Eric de Barahir, Engrenages). Accrocher les gens est la recette d’un bon premier épisode.
Les Américains l’ont bien compris et c’est bien normal car avant même de convaincre le pilote, ce sont les décideurs des chaînes qu’il faut convaincre. En effet, c’est sur la base du pilote qu’une chaîne décide ou non de commander une série. Ainsi les tiroirs des chaînes sont remplis de téléfilms, derniers vestiges de séries qui ne seront pas commandées: « Le premier épisode c’est un compromis. Le nombre d’événements racontés n’est pas la chose qui séduit. Et la caractérisation des personnages ne passent pas obligatoirement par des personnages qui disent qui ils sont. Quand vous ouvrez un film avec deux mecs qui tapent sur un, on est du côté du mec qui se fait taper dessus. On n’a pas besoin de plus. Une caractérisation c’est savoir pour qui je m’inquiète. Ce qui manque en France ce n’est pas seulement la caractérisation des personnages, c’est une signatures des auteurs » (Alexandre Astier, Kaamelott).

On va jamais y arriver

On va jamais y arriver

« Suffisamment explicatif pour donner le ton de la série et pas trop pour ne pas créer une indigestion »
(Arnaud Figaret, Lignes de vie France 2)

Les dernières productions en date ont tenté de régler le problème de ce premier épisode. Certaines séries comme Les revenants y sont parfaitement parvenu, d’autres ont raté le coche. La faute sans nul doute à un projet pas assez charpenté, maîtrisé par ses auteurs, à des personnages pas assez construits. Une série c’est avant tout une histoire de personnages. Si je ne crois pas à ces personnages dès les 42 premières minutes, alors le pari a de grandes chances d’être raté. Certes il y a beaucoup d’exemples de séries dont le pilote a été raté mais qui ont réussi à remonter la pente par la suite (The Vampires Diaries en est un), mais avec 22 épisodes diffusés sur 22 semaines, c’est d’un seul coup plus facile que sur 3 soirées. 
Amis scénaristes, oubliez vos préjugés et acceptez le fait qu’écrire pour de la série n’est pas la même chose qu’écrire un film de cinéma. En gros, n’écrivez pas un film découpé en épisodes mais une série où chaque épisode a une entité propre. Et focalisez votre attention sur le premier épisode en vous disant que le sort de votre série va se jouer durant ces 42 minutes…

Crédits:  © Calt Productions / © Canal + / © Prodigy Pictures / EuropaCorp Television

  • EMMA PEEL

    Tout à fait d’accord ! et Odysseus va nous donner une occasion de refaire la démonstration puisqu’il faut attendre le 5è épisode pour sentir un peu de souffle !
    Nous pouvons blâmer peut être les scénaristes, sûrement … notre grand classicisme français, et nos sublimes prologues raciniens ou cornéliens… mais on pourrait aussi se demander ce que font les conseillers littéraires … C’est un peu leur boulot aussi non ? voire, c’est leur boulot d’éviter ce genre de boulette. Amis conseillers littéraires et chargés de programme, oubliez aussi vos préjugés !

  • Pingback: La Série sur le Gâteau ouvre le débat sur les pilotes de séries en France | Season One()