Invitation au voyage…dans le générique de WorkinGirls
Si l’on se réfère à la définition communément admise, le générique d’une série télé est tout simplement la partie où l’on indique le titre, les noms des acteurs et des divers collaborateurs. Bref, un simple objet technique destiné à aligner une série de noms et pourtant… Pourtant ils sont bien plus que ça, particulièrement dans les séries télés dont ils font sans aucun doute partie intégrante. Ils sont la “page de présentation de la série”, une sorte de concentré de celle-ci et de son ambiance. Mais ils sont aussi bien souvent des objets d’art et parfois même des objets cultes pour les fans.
A l’occasion de la sortie DVD chez Studio Canal des deux premières saisons de la série, nous revenons sur le générique de WorkinGirls en compagnie de ces deux créateurs Alexandre Pluquet & Laurent Brett.
WorkinGirls est une série au format court, 13 minutes, adaptée d’un programme court néerlandais, Toren C. La série décrit le quotidien d’une entreprise où travaillent six filles au comportement décalé : Karine, la directrice sadique, Nathalie, la mère de famille nombreuse, Hélène, la dérangée psychologique, Déborah, la nymphomane, ainsi que Sophie et Sophie, les standardistes peu accueillantes et assez fainéantes. La série connaît une déclinaison dans Le Grand Journal de Canal+ avec comme personnages principaux, les deux Sophie de l’accueil.
Season One: Comment êtes-vous arrivé sur le générique de WorkinGirls?
Laurent Brett: Le travail sur le générique de WorkinGirls est le parcours habituel, normal, sur un générique. J’y suis arrivé car j’ai travaillé avec Sylvain Fusée (réalisateur de la série ndlr) sur le film Les aventures de Filibert pour lequel j’ai réalisé le générique. Pour ce générique, j’ai souhaité travailler avec Alexandre Pluquet avec qui j’avais fait déjà pas mal de choses.
Season One: Vous avez reçu des consignes pour le générique avant de commencer?
L.B: Arielle Saracco (Directrice du pôle Créations Originales, Groupe Canal+) avait évoqué au réalisateur de la série la référence du travail du photographe Michael Wolf autour de l’architecture, surtout en Asie. Nous avons donc réfléchi avec Alexandre en partant de là
Alexandre Pluquet: Elle voulait montrer que, comme dans la série, on est très peu concentré sur l’extérieur et plutôt sur les bureaux, la vie dans l’entreprise. On voulait ainsi montrer au travers de ce générique l’ambiance très entreprise, très corporate.
L.B: On a aussi utilisé ce petit côté rétro des séries américaines des années 80 où on avait systématiquement un plan sur l’immeuble dans lequel l’action qui arrivait allait se passer (comme dans Dallas par exemple). On a fait une première maquette de générique et, comme la série est plutôt trash, on est allé très loin dans le délire « sexuel ». Pour tout vous dire, le plan final où on voit le tube de rouge à lèvres, on s’est même dit à un moment que cela aurait pu être un gode. Mais au final, cela a été perçu comme « un peu trop » par ceux à qui on a parlé de l’idée, et je pense qu’ils ont eu raison.
A.P: De ce délire là, on a gardé à la fin l’objet phallique (le rouge à lèvres) et l’esprit de ce qu’on voulait dire et faire.
Season One: Et ce rouge à lèvre qui sort à la fin, tel un objet phallique, c’est pour montrer que dans la série, les femmes vont aussi être affublées des tares habituellement réservées aux hommes?
L.B: Tout à fait. En rajoutant le tube qui se casse comme pour dire que l’image des femmes va être sérieusement mise à mal dans la série. Mais on était très content de pouvoir pousser un concept comme ça jusqu’au bout du bout. Quand on fait un générique pour Canal+, on a juste à rendre des comptes à une directrice artistique qui valide ou pas ce qu’on fait et cela nous donne d’un seul coup beaucoup plus de liberté que sur le service public ou sur TF1.
A.P: On savait aussi que sur Canal+, il y a une liberté de ton qui nous a fortement incité à proposer quelque chose de différent, de plus osé.
Season One: Je trouve sur ce générique que « images » et « musique » vont très bien ensemble.
A.P: On a eu la musique dès le début de la création du générique. A peine avions nous écouté la musique qu’on savait que le concept marcherait, tellement la musique était originale et décalée.
L.B: La musique ayant sa part de « folie », on pouvait avoir des images plus « sérieuses », le décalage se ferait quand même et on ne verrait pas les images de la même manière avec cette musique par dessus. Si nous n’avions pas eu cette musique, nous n’aurions vraisemblablement pas travaillé le générique de la même façon.
Season One: Est ce qu’il a été question de décliner le générique de WorkinGirls pour faire celui de Sophie et Sophie?
L.B: Non pas du tout car je ne crois pas qu’ils aient voulu en faire une vraie déclinaison de WorkinGirls.
A.P: On est vraiment parti comme si c’était une nouvelle série. Et c’était d’autant plus vrai que la série vivait au travers du Grand Journal ce qui a limité la création car il fallait l’adapter à la charte graphique de l’émission.
L.B: On a créé en fait deux génériques pour la série. L’idée de départ c’était de faire un peu comme pour Chapi Chapo, avec nos deux héroïnes qui s’ennuient toute la journée. « Qu’est ce que l’on ferait de notre journée si comme elles on était des « branleuses »… ?? »
On est donc parti sur un plan du bureau, avec la jeune femme qu’on essaye de joindre au téléphone tout le générique mais qui ne répond pas, et qui finirait à la fin par raccrocher sans avoir répondu.
On l’a livré le soir même mais il a été refusé immédiatement car il n’était pas dans la charte graphique du Grand Journal. On a donc dû refaire un concept dans le week end et on a repris le concept de fin du premier générique, les cocottes en papier, pour faire le générique définitif. Les cocottes en papier ont été faite en blanc, noir et rouge, les couleurs de l’émission, le tout avec la typographie de l’émission pour écrire le titre de la série.
A.P: On aime beaucoup ce côté « animation » du générique. On aime ramener ce côté « fait maison », « fait main » dès que l’on peut dans nos travaux, dès que le sujet s’y prête.
L.B: A Sabotage, on a la possibilité de faire aussi bien de petits tournages que de l’animation ou du numérique. Par conséquent, on essaye de profiter de tous ces avantages pour pousser plus loin nos génériques. C’est assez épanouissant de pouvoir sortir le nez de l’ordinateur de temps en temps. On est en train de concevoir là le générique de Parents mode d’emploi qui passera à la rentrée sur France 2 pour lequel on s’est même autorisé un tournage en extérieur.
N.B: Laurent Brett travaille aussi avec Remy Le Rumeur sur deux nouveaux génériques pour France 2: Chérif et La source.
Source: Interview enregistrée au Studio Sabotage avec Laurent Brett et Alexandre Pluquet
Site internet de Laurent Brett ici
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