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Un Commentaire

Le vol des cigognes les 21 et 28 janvier sur C+: Un voyage à la recherche de son identité

Alexandre LETREN

On dit souvent de certaines séries américaines que ce sont de vrais OVNI. On le dit rarement de productions françaises.
C’est pourtant à cette catégorie qu’appartient la mini série (2×90 minutes) Le vol des cigognes, adaptation du tout premier roman de Jean-Christophe Grangé, souvent encore considéré comme un de ses meilleurs. Le voyage dans lequel va vous embarquer cette mini série risque d’en fasciner plus d’un mais aussi d’en décontenancer d’autres. Car pour être précis, ce que vous allez voir c’est davantage Le vol des cigognes PAR Jan Kounen qu’une simple adaptation d’un thriller populaire.

Un ornithologue suisse est retrouvé mort, victime d’une crise cardiaque…dans un nid de cigognes. Malgré ce drame, Jonatha Anselme, l’étudiant qu’il avait engagé, décide d’assumer seul la mission qu’ils s’étaient fixés: suivre la migration des cigognes jusqu’en Afrique afin de découvrir pourquoi bon nombre d’entre elles ont disparu durant la saison précédente.
Au cours de son voyage parmi les Tzigagnes de Bulgarie, dans les kibboutz d’Israël et jusqu’aux confins de la jungle d’Afrique centrale, Jonathan est confronté aux images terrifiantes de son propre passé- ses mains portant les cicatrices d’un mystérieux accident dont il ne se souvient pas. La route des cigognes que suit Jonathan est jonchée de cadavres mutilés, des tueurs sont sur ses traces et celles d’un mystérieux trafic de diamants.
Au bout du chemin, il a rendez-vous avec sa destinée.

Le vol des cigognes est une expérience et un projet hors norme. Fruit d’une co-production internationale qui a permis de dégager un budget de 10 millions d’euros pour les deux épisodes, elle va vous embarquer dans un voyage assez inattendu. Disons le tout de suite, c’est une fiction de grande qualité. Et je peux le dire avec d’autant plus de liberté qu’elle m’a, paradoxalement, laissé de côté à de nombreux moments. Je le dis car il y a des moments où on ne peut que reconnaître le travail qui est fait sans avoir pour autant réussi à embarquer dans un voyage.
Visuellement cette série est superbe, les ambiances de chaque pays sont vraiment bien reconstituées, de manière d’autant plus admirable que la plus grande partie du tournage a pris place en Afrique du Sud: « Pour Anvers et Istamboul, c’était impossible. Il a fallu aller filmer sur place. Au final, 90% des lieux ont été tourné en Afrique du sud » (Jan Kounen).
Quant à l’histoire, elle est digne des romans de Grangé, à la fois dense et passionnante, avec des ramifications que l’on ne peut pas soupçonner quand le film commence (à l’image d’un autre illustre de ses romans qui a connu également une adaptation, Les rivières pourpres): « Adapter Le vol des cigognes impliquait d’emblée le respect d’une narration très dense et la reconstitution d’un long voyage…Il fallait laisser à l’histoire du temps et de l’espace, et c’est en cela que le format d’un film en deux parties prenait tout son sens » (de Vésine/Anargyros/Couvreur, producteur de la mini série).
Si ce n’est dans aucun de ces aspects que le film peut dérouter, c’est à quel niveau?

« Nous ça nous intéressait qu’un réalisateur comme lui s’empare de cet univers et puis la détourne, en face quelque chose qui lui corresponde et c’est vrai qu’à l’arrivée, c’est un film de Kounen. Alors après Kounen ayant un public, il y a des gens qui l’aiment et d’autres pas du tout. Il peut diviser et nous c’est ce qui nous intéresse là dedans. Toute la discussion a été sur le voyage intérieur du personnage qui est dans le roman. Il y a à la fois l’intrigue à proprement parlé et derrière tout ça, il y a le voyage intérieur du personnage qui remonte à ses origines et à ce passé qu’il a complètement occulté et qu’il va redécouvrir. Et c’est la dimension qui intéressait Jan« (Fabrice de la Patellière, Directeur de la fiction Canal+)

« La question de base c’est que c’est très dure au cinéma de faire vivre des souvenirs. Quelqu’un qui a la mémoire qui est complètement bloqué (dans la mini série), il faut des chocs pour pouvoir l’ouvrir… Il y a souvent eu dans mes films des états modifiés de conscience » (Jan Kounen)

Toute la question de savoir si l’on va aimer ou pas ce film repose sur la capacité que vous aurez ou pas à rentrer dans cet univers volontairement voulu à la fois par Canal+ et par le réalisateur Jan Kounen. Il faudra accepter de ne pas tout comprendre, de ne pas avoir toutes les réponses sur tout (« La vie ce n’est pas de tout savoir, de tout comprendre » Jan Kounen). Le personnage de Jonathan a subi l’hypnose dans le passé et quand il prend cette drogue mystérieuse dans le film, ce qu’elle fait émerger de son passé se confond avec les souvenirs de ces séances d’hypnoses et cela a pour effet un mélange d’images parfois difficilement compréhensibles mais visuellement très belles, dont le but est de lui ouvrir petit à petit les portes de son passé.
Autre point important, la durée de 3 heures. Il y a 15 ans, Jan Kounen avait faillit adapter le roman au cinéma mais les choses ne s’étaient pas faites. Et de toute façon, il souhaitait bénéficier de temps pour raconter son histoire. Sauf qu’il arrive que l’on se demande si certaines scènes n’auraient pas pu être plus courtes, moins étirées (on pensera entre autre à la partie dans le Kibboutz).
Ces scènes, au demeurant très intéressantes, plombent un peu l’histoire par moment et l’on se demande où il souhaite en venir.
En revanche, la partie en Afrique (ainsi que toute la fin de ce film) relance totalement l’histoire. On ressent à chaque instant la moiteur de ce lieu et, tout comme le héros Jonathan, on se surprend aussi à ressentir tout le poids de la vérité qui approche à chaque nouveau pas. Une fin de film poignante, dure où la vérité explose au visage du héros. Une vérité apportée par ce mystérieux médecin qui vit reclus au fin fond de la jungle et campé par le toujours génial Rutger Hauer.

Difficile que de porter un jugement sur cette mini série. Elle possède de réelles qualités, notamment esthétiques. Jan Kounen sait y apporter de bonnes idées mais en oublie peut-être parfois le spectateur. En tout cas, son univers est pleinement respecté et Canal+ nous montre à nouveau qu’elle est capable de créer de vrais programmes dotés d’une ambiance, d’un ton, d’une signature. Et c’est avant tout ce que l’on demande à un grand diffuseur.
Cette mini série ne m’a pas totalement embarqué mais je ne saurais que trop vous la conseiller tout de même, ce voyage mérite le détours…

A noter une réédition prévue pour le 3 janvier prochain chez Albin Michel du livre Le vol des cigognes, avec une couverture proche de celles des derniers roman de Grangé

Source: Canal+
Crédits Photos Mini Série: © Ilse Kitshof / EuropaCorp Television / Canal+

La review

LA SERIE
6
LE SCENARIO
7
LE CASTING
6
LA REALISATION
6.5
PLAISIR RESSENTI
4
5.9

DEROUTANT

Une oeuvre très réussie mais trop personnelle pour y adhérer