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3 Commentaires

Les revenants: L’émotion et le genre

Les revenants: L’émotion et le genre
Alexandre LETREN

Lors du Festival Séries Mania, une partie de l’équipe de Les revenants a accepté de revenir sur les secrets de fabrication de la série à succès de Canal+. De cette rencontre, nous avons décidé de revenir sur deux aspects importants de la série, deux aspects qui constituent le sel de la série: l’émotion au travers du retour de Camille, et la bascule de la série dans le genre pur avec la tentative de fuite du village et l’encerclement par la Horde.

Les revenants a provoqué bons nombres de réactions parmi les téléspectateurs.
Mais la première des réactions à laquelle ils sont confrontés est celle d’une vive émotion avec le retour du premier des morts: Camille. Moment fort à la fois pour les proches de l’adolescente morte dans un accident de bus en début de pilote, mais également pour nous car on saisit tout de suite ce que les parents de la jeune fille ressentent. D’abord par la « non réaction » de la maman de Camille, pétrifiée. Puis des interrogations des deux parents face à ce « miracle ». Que faire? Fabrice Gobert revient sur cette scène primordiale du pilote de la série.

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Fabrice Gobert: C’est une scène sur laquelle on a beaucoup travaillé. On l’a toujours considéré comme une scène capitale puisque c’est celle qui non seulement lance la série mais aussi l’idée que les morts peuvent revenir. On est passé par beaucoup d’étapes sur cette scène et notamment sur une idée toute simple: une mère de famille voit revenir sa fille morte. Ce n’est pas la chose la plus évidente à traiter en terme de scénario. D’ailleurs, quand j’ai commencé à travailler sur le pilote, j’avais tendance à ellipser cette scène là: on avait Camille face à sa mère et hop, on passait à une autre scène. En creusant cette scène là, en se demandant ce que ces deux personnes pouvaient se dire, on a cherché ce que l’on pouvait faire avec ce moment là. Et pour ça, on s’est posé la question toute simple qui est comment je réagirais si cela m’arrivait à moi. On s’est rapidement dit qu’il fallait que l’on soit quasiment en temps réel sur cette scène là et en essayant de ne rien ellipser, avec l’idée que l’on suivrait pas à pas Claire (Anne Consigny) jusqu’à voir sur ce qu’il se passe dans sa tête.
Et c’est en creusant cette idée que nous est venue une autre idée: si les morts ne savaient pas qu’ils sont morts…Et ce fut quelque chose de très déterminant. Comment annoncer à quelqu’un qu’il est mort? Et d’un seul coup, cette scène prenait une grande force parce que Claire n’ose pas dire à sa fille qu’elle est morte. C’est même Camille qui pense que ces parents sont bizarres car pour elle, rien n’a changé. Et du coup, l’idée a fait son chemin de se dire que les zombies, c’étaient plutôt les gens qui sont en deuil finalement. Et on avait conscience que c’est avec cette scène là que se jouait l’avenir de la série. Est-ce que l’on y croit ou pas?

Frédéric Pierrot (Jérôme, le père de Camille): On arrive sur une scène comme celle-là avec une sorte de vide immense. On a beau avoir lu le scénario, et être très excité à l’idée de jouer tout ça, il y a une question qu’on ne veut pas voir en face alors qu’elle est là tout le temps: comment on fait? Qu’est ce qu’on va faire? On a absolument aucun point de repère par rapport à d’autres fictions. Fabrice, l’équipe et la production ont accepté que l’on prenne le temps de se poser ces questions, de savoir comment on va l’interprêter. On avait des journées plus longues que prévues pour justement prendre le temps de la réflexion. Sur une scène comme celle-ci, on s’arrêtait 1/2 heure, pas complètement satisfait de ce que l’on faisait, le tout dans une grande concentration.
Est ce que quelqu’un qui revient c’est acceptable tout de suite? Et il y a besoin d’un temps pour accepter de ne pas comprendre. Juste accepter la situation et continuer de vivre…

Fabrice Gobert: On a pris c’est vrai beaucoup de temps sur cette scène car je souviens qu’une semaine avant, avec l’équipe technique, on a refait tous les gestes que Camille et Claire allaient devoir faire. On a imaginé cette « chorégraphie ».
Dans chaque série, on doit pouvoir trouver une scène majeure qui fait que l’on va croire à l’univers de la série. On a beaucoup cherché et c’est pour ça qu’on a pris beaucoup de plaisir à la faire car nous n’avons jamais été dans l’urgence de se dire « il faut se dépêcher et sortir quelque chose ».

LES REVENANTS

On en vient maintenant au second point important de la série qui le moment où, véritablement, la série bascule dans le genre. Cette bascule se fait de bien des manière mais quelques scènes sont emblématiques. Celle où Julie, Laure et Victor tentent de partir de la ville mais semblent pris dans une boucle qui les en empêche, revenant encore et toujours au même endroit.
Puis l’arrivée de la Horde, d’abord autour de la voiture puis encerclant La main tendue.
Les invités de la Table Ronde reviennent sur la question du genre dans la série.

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Véra Peltékian (Chef de projet fiction à Canal+): Oui c’est vrai que la série de genre ne va pas de soi en France. On s’est posé des questions. Il a fallu délimiter le cadre de la narration pour arriver à cette petite ville de province, à cette famille, à ces jumelles qui sont l’ADN de la série. Et cette réduction nous a permis finalement d’être totalement « universel ». On a très vite eu le sentiment d’avoir une série qui dépassait les codes du genre, avec quelques éléments de « soap », car beaucoup plus dans la vie, dans la famille, plus d’ailleurs que toutes nos autres séries. C’est le paradoxe de cette série fantastique qui nous a permis plus que jamais d’être dans la vie.

Caroline Benjo (Productrice Haut et Court): Cette question du genre était centrale et compliquée à aborder. Mais avec le recul, on se rend compte en allant présenter la série à l’étranger, qu’il y a un peu dans la série une mise en abîme du genre. Cette reflexion sur nos années de pratique du genre (comme spectateur tout simplement) n’a cessé de s’interposer dans le processus de création.
Les journalistes étrangers nous faisaient remarquer que dans la série, on prononce le mot « zombie ». Quelque chose qui leur paraît incroyable car d’ordinaire, on ne prononce jamais ce mot dans les séries. Et c’est vrai qu’on s’est toujours dit que les personnages de la série, les revenants compris, ont tous déjà vu des films de zombies. Je pense que ce qui fait la spécificité française de cette série c’est que les personnages prennent conscience de leur condition de « zombie ».

Jimmy Desmarais (Producteur Haut & Court): Le moment qui nous a libéré par rapport au genre c’est quand on a arrêté de se prendre la tête avec la question du « pourquoi ils reviennent? ». On a décider d’assumer le côté « réaliste » de la situation, d’avoir des personnages qui se retrouvent confronter à une situation qu’ils ne comprennent pas et qui ne vont peut-être pas comprendre. Et c’est ça qui nous a permis de nous libérer des codes du genre.

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En attendant une saison 2 prévue pour 2014 et forcément très attendue, on retiendra de la saison 1 de Les Revenants ce savant mélange entre grands moments d’émotion pure et un jeu permanent avec les codes du genre pour les adapter à la fois au contexte de la série en elle-même, mais aussi au fait que c’est une série française qui doit adopter sa propre identité. Même si par moment dans la série, ce savant mélange n’est pas toujours très bien maîtrisé, il n’en demeure pas moins que la série a réussi à créer une certaine alchimie entre ces deux éléments, et qui en fait une grande série.

Source: « Secret de fabrication : Les Revenants » Séries Mania saison 4
Crédits: © Haut et Court / Canal+

  • http://thierryardiller.com thierry

    Mais… Ont-ils laissé entendre qu’ils savent ou ils vont?

    • http://twitter.com/alexandreletren Alexandre LETREN

      Je pense que oui. Ils ont pensé la série sur plusieurs saisons. De toute façon, je ne les vois pas dire « on est largué, on ne sait pas du tout où on va »

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